Le 29 décembre 2013, Michael Schumacher, sextuple champion du monde de Formule 1, qui avait échappé à tous les dangers de son sport mécanique, chutait lourdement lors d’une descente à ski à Méribel. Sa tête ayant frappé un rocher, il avait été transporté au CHU de Grenoble.
Un premier communiqué décrivit « un traumatisme crânien grave ayant nécessité une intervention neurochirurgicale ». Deux opérations. Quatre semaines de coma artificiel. Plusieurs mois en salle de réanimation. Un transfert au CHU de Lausanne. Puis un transfert dans la demeure des Schumacher sur les bords du lac Léman, une demeure aménagée en centre de soins hautement médicalisé.
Six ans après l’accident, on ne sait rien de l’état réel de Schumacher. Sinon qu’il continue « à se battre » et que son épouse, Corinna, fait « tout ce qui est humainement possible pour l’aider ». La semaine dernière, un journal du matin, bientôt relayé par tous les médias, a consacré deux pleines pages (puis une autre encore le lendemain) à la prise en charge du champion par l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. Un hôpital transformé en bunker. Et, auprès de Schumacher, le professeur Philippe Menasché, un as de la thérapie cellulaire.
Tout le monde (et le journal évoqué, et les médias, et nous aussi bien sûr) se réjouit de cette formidable mobilisation familiale et médicale pour arracher ce grand champion à la nuit dans laquelle il est plongé depuis tant d’années. « Les spécialistes les plus renommés sont à ses côtés. Pour une nouvelle victoire », lit-on d’un côté. « Corinna Schumacher offre à son mari l’excellence de soins tout en imposant un black-outtotal sur l’information », lit-on de l’autre. Et l’on souligne l’affection dont il est entouré par sa femme, son fils, son père, ses proches, Jean Todt, le président de la Fédération internationale de l’automobile. Et c’est tant mieux !
Pourquoi parler de tout ça, direz-vous peut-être… Parce que je ne puis m’empêcher de comparer le traitement médiatique, unanimement laudateur et admiratif, réservé au cas Schumacher quand celui de Vincent Lambert (et de ses admirables parents, caricaturés, moqués, insultés parfois) n’a pas eu droit à une même commisération. Et qu’on est allé jusqu’à la mise à mort du malheureux. Il faut dire que la femme de Vincent n’était pas de la même trempe que celle de Schumacher…
Je ne sais pas dans quel état est vraiment Schumacher. Ce que je sais, en revanche, c’est que notre pauvre Vincent Lambert n’était pas dans « un état végétatif » (comme propagé à l’époque par la même presse enthousiaste aujourd’hui pour « Schumacher le battant »).
Responsable d’un service spécialisé qui accueille des personnes à la conscience altérée, le docteur Bernard Jeanblanc en avait témoigné : « Pour l’avoir vu récemment, Vincent n’est pas en état végétatif, mais en situation d’état pauci-relationnel. » Ce qui veut dire qu’il n’était ni « en fin de vie », ni « maintenu artificiellement en vie ». Il n’empêche qu’il a été affamé et déshydraté jusqu’à la mort.
Longue vie – et surtout retour à la vie – à Michael Schumacher ! Parce que, en ce qui le concerne, ceux-là qui ont condamné Vincent Lambert n’oseront jamais parler d’« obstination déraisonnable »… •
Alain Sanders -Présent