Pour le nouveau ministre de l’Éducation nationale pris entre désir d’une action nouvelle et un système où brillent les noms de Condorcet, de Jules Ferry ou de Jean Zay, « le juste chemin » n’emprunte pas encore la véritable liberté scolaire que le pays attend. La nécessaire séparation de l’école et de l’État afin de rendre aux parents leur droit naturel pour l’éducation de leurs enfants n’est toujours pas évoquée.
S’il n’était pas captif du système, le nouveau ministre de l’Éducation pourrait apparaître d’emblée comme l’anti-Najat Vallaud-Belkacem : « donner la liberté aux acteurs du monde de l’Éducation nationale », sans faire « une énième loi ou une énième réforme » (Entretien dans Famille chrétienne du 29 juillet au 5 août 2017). Au milieu des camps adverses et de tous les clivages qui déchirent l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer propose de « non pas chercher le juste milieu pour lui-même, mais chercher le juste chemin ».Si l’on considère précisément tous les acteurs dudit monde sans discrimination (du public au privé sous ou hors contrat), ce juste chemin a un dénominateur commun : le principe de subsidiarité. Lequel principe pourrait s’appliquer calmement, sans dialectique, aux trois modes actuels de l’enseignement par une séparation progressive et salvatrice de l’école et de l’État et un nouveau système de son financement (Outre la Fondation pour l’école, deux livres en font la promotion pour cette rentrée : Rebâtir l’école par Jean-Baptiste Noé, Bernard Giovanangeli Éd. ; Rendez-nous l’école ! par Rémi Fontaine, Éd. de L’Homme Nouveau, coll. « Focus »,).
Une étape nouvelle ?
« Mon action, dit encore le nouveau ministre, correspond à une étape politique nouvelle qui tient compte des choses ayant bien fonctionné, et qui apporte des changements là où c’est utile, quels que soient les gouvernements qui ont porté les réformes précédentes. » Ce qui est bon pour le privé (la liberté pédagogique) est bon pour le public et ce qui est utile pour le public (la liberté financière) est utile pour le privé. Le premier clivage que le ministre devra dépasser – avant ceux qu’il désigne : tradition-modernité, pédagogistes-républicains, droite-gauche… – est celui entre public et privé.
Dans un service public, il faut distinguer la fonction (publique : rendue à tous) de la gestion qui peut être privée comme l’ont très bien compris l’Angleterre avec les free schools et les academies, la Suède ou la Hollande avec les « vouchers » (chèques éducation), ou encore les États-Unis avec les « charter schools » (Les fonds publics y subventionnent les initiatives scolaires (privées) des familles et des corps intermédiaires au même titre que les écoles publiques dans la mesure où elles servent justement, efficacement et utilement le bien commun). Si véritablement évaluation et expérimentation deviennent les maîtres-mots du ministère, l’État ne peut plus revendiquer à lui seul la gestion du service public. Quoiqu’en prétende Blanquer, la proportion du 80 % et du 20 % entre public et privé ne peut plus apporter « sérénité » et « un certain équilibre » dans le débat sur l’école…
Les écoles indépendantes
Quant au juste droit de cité des écoles indépendantes, l’abus éventuel de ce droit à la liberté (écoles radicalisées) n’enlève pas son usage fécond. Alors que la négation ou la restriction de ce droit équitable conduit à la généralisation de l’abus dénoncé : la radicalisation laïciste de l’Éducation nationale qui fait du reste marginalement le lit de la radicalisation islamiste (comme en témoignent les auteurs des attentats terroristes issus de l’école publique !). On ne reproche pas au camp laïciste, maçonnique, communiste… le fait de tenir école s’il le veut et s’il le peut, nous lui récusons la possibilité de le faire gratuitement et abusivement par puissance et monopole d’État, comme un vulgaire État islamique qui voudrait imposer ses écoles coraniques à tous ! La dérive sectaire, financière, éducative, dont Jean-Michel Blanquer croit dénoncer le risque pour certaines écoles hors contrat, est aujourd’hui une réalité beaucoup plus massive et dangereuse au sein du calamiteux mammouth, dont l’échec scolaire n’est plus à démontrer. À l’école de saint Thomas d’Aquin et aux antipodes du ministre Vincent Peillon, nous préférons laisser l’éducation de l’enfant de juifs, de musulmans ou de maçons… au choix de ses parents, conformément à leur droit naturel et sous réserve de leur respect du bien commun national, plutôt que de l’« arracher à ses déterminismes, familial, ethnique, social… » (selon la formule révélatrice de Peillon) pour une cause soi-disant supérieure, fût-elle le baptême catholique ou républicain ! Car la fin ne justifie pas le moyen.
Il y a au fond deux types de société : celle, totalitaire, qui veut arracher l’enfant à ses racines ; celle, subsidiaire, qui garantit les libertés publiques par les lois naturelles de la société. Blanquer n’a peut-être pas bien fait ici le discernement qui convient, lorsqu’il déclare : « Entre l’Ancien Régime et la Révolution, il s’est passé pour l’école ce que Tocqueville a bien décrit pour l’État : une rupture qui cache une continuité. Surtout l’école a commencé à jouer pour la République le rôle qui était celui de l’Église pour la monarchie. On y a investi tous les enjeux de salut, de Condorcet à aujourd’hui, en passant par Jules Ferry ou Jean Zay. » Mais l’Église, à travers l’initiative charitable et multiple de ses congrégations enseignantes, n’a jamais imposé aucun monopole scolaire, distinguant comme il faut pouvoir temporel et pouvoir spirituel.
La seule solution
Depuis Jules Ferry, l’histoire de l’« Éducation nationale » est celle d’une pathétique contrefaçon, avec le dessein d’annexer toute l’école à l’État par la séparation progressive de l’école et de l’Église. Si l’on veut en finir avec cette guerre scolaire et sa dialectique obsolète au sein d’une France aujourd’hui divisée dans ses croyances et ses familles spirituelles, il s’agit maintenant de séparer progressivement l’école de l’État, non pas pour la rendre à l’Église, mais pour la rendre au droit naturel des parents que l’Église, Mater et Magistra, a toujours respecté.