“Salope, plus une injure?”titrait Boulevard Voltaire le 20 mars 2015, après l’arrêt de la cour d’appel de Paris relaxant Nicolas Bedos pour ses propos à l’encontre de Marine Le Pen. Nous écrivions alors : « La justice ne dit pas (pas encore) que l’injure s’apprécie par rapport aux opinions politiques de la victime ou de l’auteur. Elle y viendra, car cette distinction illégale figure déjà en filigrane de toutes ses décisions depuis quelques années. »
Après le fils, le père. Guy Bedos, un « humoriste » qui ne fait rire que lui-même et ses afficionados, tel l’insupportable Laurent Ruquier, dont la carrière s’achève pitoyablement dans l’insulte. En 2013, lors d’un spectacle à Toul, il déclarait à propos de Nadine Morano : « Nadine Morano a été élue ici, à Toul ? Vous l’avez échappé belle ! On m’avait promis qu’elle serait là… Quelle conne ! » Sur plainte de l’élue pour injure publique, le tribunal correctionnel de Nancy a relaxé le comédien, estimant qu’il était resté dans « la loi du genre » et qu’il « n’a pas dépassé ses outrance habituelles ». Nadine Morano a annoncé son intention d’interjeter appel.
Ce sinistre bouffon a récidivé avant même de connaître le jugement, en traitant sa victime de « connasse » sur le plateau de Ruquier, qui s’est évidemment esclaffé avec cette manière bien à lui de se trouver très drôle. On ne saurait être plus délicat…
Doit-on accepter l’insulte comme mode normal de critique dans notre pays, et surtout juger différemment les prévenus selon que leur cœur penche plus ou moins à gauche ? À l’évidence, non. C’est pourtant ce que font désormais les tribunaux en relaxant systématiquement les auteurs de tels propos lorsque les victimes sont politiquement incorrectes. Les propos qui fustigent les Français musulmans d’Algérie ? Relaxe. Ceux qui visent la religion catholique ? Relaxe. Ceux qui traitent le judaïsme de « secte et d’escroquerie » ? Condamnation. Ceux qui traitent le président d’une association antiraciste de « Gros zébu fou » ? Condamnation.
Sachez donc, désormais, mesdames et messieurs les bobos, que la liberté d’insulter vous est reconnue par la justice française sans autre limite que les opinions politiques de vos cibles. Si, par chance, et selon une forte probabilité, vous tombez sur des juges de gauche, vous n’aurez pas d’autre désagrément à subir que de vous rendre au tribunal, qui vous offrira alors la tribune dont vous rêvez pour asséner votre philosophie du rire.
Sachez, pourvu que vous ayez donné au pouvoir politico-médiatique les gages de bonne conduite qu’il vous réclame, que vous jouirez d’une liberté d’expression absolue. Si vous sacrifiez aux idées à la mode, au politiquement correct, si vous prenez chaque matin un cachet de Moraline républicaine et deux cuillerées de Padamalgam 1 mg, vous échapperez aux rigueurs de la loi. Cette loi que vous qualifiez sans cesse de « républicaine », car tout ce qui porte cet adjectif se trouve magnifié à vos yeux, qui s’applique à tous dans une parfaite égalité de droits et de devoirs, ainsi que vous aimez à nous le rappeler.
Robert Ménard vient encore d’en faire les frais. Il a le cuir suffisamment épais pour mépriser ces minables piqûres de moustique. Lui sait bien qu’on ne fait pas avancer le débat d’idées par l’insulte, qui n’est que l’argument du faible. Mais c’est bien de cela qu’il s’agit : empêcher tout débat d’idée, toute expression dissidente. Par la sidération, par l’invective, par l’insulte ou la bêtise la plus crasse.
L’Histoire nous montre ce que deviennent ces imbéciles, et ne se souvient que des grands hommes. Pas des minus habens.