Par Charles Chaleyat
Nous autres archéologues avons le plaisir de découvrir mais aussi l’angoisse de livrer ce que l’on découvre à nos frères humains avec leur grossièreté, leur ignorance, leur fanatisme, leur cupidité. Le patrimoine de l’humanité est bien plus menacé par les hommes que par les éléments qui inexorablement les assaillent : vents et pluies, glissements de terrain et éruptions volcaniques, marées et tempêtes, mousses et moisissures. Pluies acides et rejets industriels, gaz d’échappement et déchets par milliers de tonnes, routes et voies ferrées… viennent s’ajouter aux forces de la nature quand ce n’est pas des constructions gigantesques comme les barrages de Grand Coulée (Columbia) et des Trois Gorges (Yang Tse) engloutissant paysages anciens et sites tout en mettant en cause la sécurité sismique de leur région ! On peut à peine répertorier ce que l’Autoroute du Nord en France a révélé et détruit de sites de tous les âges !
Pire, ces objets que nous exhumons avec soin et précautions et que restaurent nombre d’artisans ultra compétents, que nous étudions et identifions pour une meilleure connaissance des hommes du passé, certains nous les volent lors de leur exposition, dans les musées ou sur les sites qu’imprudemment nous publions. A grande échelle, ceci représente un commerce très lucratif qui pénalise tous les pays, à commencer par les plus pauvres… au désespoir des archéologues rétribués par leurs compatriotes.
Enfin pour couronner le tout on détruit, on casse, on piétine et on profane dans certains cas. L’historique de ces vandalismes remplirait des pages depuis le sac de Rome par les Gaulois (-390) par les Wisigoths en 410 puis par les Sarrasins en 846 en passant par le sac de Constantinople en 1204 par les Croisés puis le massacre en 1453 par les Turcs !
Après les bouddhas de Bamiyan, l’on vient d’apprendre que des fanatiques de la même eau, “libérés” par les illustres Sarkozy et BHL, viennent de maculer et gratter les peintures et gravures rupestres du Tadrart Acacus (Fezzan, Lybie) vieilles de 10 000 ans classées au patrimoine mondial !
À la frontière du Tassili n’Ajjer algérien, également site du patrimoine mondial, ce massif rocheux est riche de milliers de peintures rupestres de styles très différents dont les plus anciennes remontent à 12 000 ans environ av. J.-C., les plus récentes pouvant être datées du Ier siècle de l’ère chrétienne. Ces peintures reflètent les modifications profondes de la faune et de la flore, ainsi que les divers modes de vie des populations qui se sont succédé dans cette partie du Sahara.
Le pire est à présager !
