Le drame horrible des femmes yazidées!

Ce billet est une adaptation française d’une partie d’un article de Matthew Barber, un chercheur et journaliste américain travaillant dans le nord de l’Irak depuis plusieurs mois.

Ayant passé tout l’été dans le nord de l’Irak, j’ai travaillé directement avec ceux qui sont impliqués dans les efforts de sauvetage, et j’ai personnellement interagi avec des familles dont les filles ont été enlevées et qui appellent maintenant leurs parents du lieu de leur détention.

Un grand nombre de femmes capturées ont encore leurs téléphones portables, et appellent leurs familles. Beaucoup de ravisseurs ne font rien pour les en empêcher: dans certains cas, les jihadistes exploitent cette communication pour accroître la terreur dans le coeur des familles; dans d’autres cas, les nouveaux «maîtres» permettent à leurs «esclaves» de rester en contact avec la famille car ils cherchent à intégrer les captives dans le rôle d’esclaves domestiques, avec les privilèges et les devoirs qui en découlent.

Un ami Yézédi avec qui j’ai travaillé à Dohouk a fait en sorte qu’un groupe d’hommes armés soit payés pour mener une opération de sauvetage dans une ville irakienne au sud de Mossoul, où des filles avaient été emmenées. Ils se sont introduits de force dans la maison où elles étaient emprisonnées par leur «propriétaire», et les ont conduites en lieu sûr. Elles avaient été transportées de l’autre bout du pays pour être placées dans la maison de leur «acquéreur», où elles faisaient la cuisine et le ménage. Leur nouveau «maître» leur avait dit: «Vous êtes nos jawari [esclaves capturées en temps de guerre], mais ne vous inquiétez pas, vous deviendrez comme nos propres femmes», ce qui signifie qu’elles seraient intégrées dans la maison pour y vivre comme les autres épouses. L’une des filles rescapées avait à peine 15 ans. Elle a été torturée parce qu’elle résistait aux avances sexuelles de son «propriétaire». Une autre a subi un traumatisme psychologique si grave qu’elle est maintenant très malade.

L’État islamique a dépouillé les chrétiens de leurs biens, sans toutefois les cibler de la même manière que les Yézédis. En tant que «Gens du Livre», les chrétiens sont considérés comme ayant certains droits (s’ils payent la jezziya); les Yézidis, en revanche, sont vus comme des polythéistes par l’État islamique, ce qui en fait des cibles légitimes pour la subjugation et l’esclavage s’ils refusent de se convertir à l’islam.

J’ai confirmé avec de multiples témoins oculaires (incluant des musulmans sunnites) de l’attaque initiale du 3 août par l’État islamique contre la ville de Sinjar, que c’étaient bel et bien des combattants de l’État islamique qui s’étaient chargés de séparer les hommmes et les femmes Yézédis, pour ensuite amener les femmes dans des camions. Cette opération a été menée par les combattants de l’Etat islamique eux-mêmes, et ce, dès leur arrivée à Sinjar.

Des musulmans qui tentaient de fuir la ville de Sinjar m’ont décrit comment, avant même d’atteindre la ville, les combattants de l’État islamique chargés de l’attaque initiale interceptaient sur les routes des familles en fuite, immobilisaient leurs véhicules et capturaient les passagères — si elles étaient Yézédies.

La capture systématique des femmes et des filles Yézidies et leur asservissement comme concubines est un projet de l’État islamique.

Les femmes capturées ont été transportées d’un bout à l’autre des régions sunnites de l’Irak, et en Syrie. C’est probablement à Mossoul que se trouve le plus grand nombre de captives.

Juste au sud de Sinjar, il y a aussi quelques lieux où des Yézidies capturées sont détenues.

Grâce à des conversations téléphoniques avec des victimes capturées, les dirigeants Yézédis du gouvernorat de Dohouk qui travaillent à résoudre ce problème ont obtenu des informations sur le nombre et l’emplacement précis de la plupart des captives. Environ 2.000 Yézidis sont confinés dans une douzaine de camps de détention situés dans au moins six villes différentes. La plupart de ces camps ne contiennent que des femmes, mais au moins l’un deux abrite des familles entières, y compris des hommes.

Sinjar est le centre le plus important de population yézédie au monde. La religion yézédie est aussi inextricablement liée aux lieux saints de Sinjar. Si les Yézédis sont incapables d’y retourner, l’une des dernières minorités non-abrahamiques du Moyen-Orient subira un préjudice durable, et des milliers de victimes demeureront esclaves. En 2014!

Source : If the U.S. Wanted To, It Could Help Free Thousands of Enslaved Yazidi Women in a Single Day, par Matthew Barber, Syria Comment, 16 septembre 2014. Adaptation française par Poste de veille

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