Le groupe Etat islamique (EI) a décapité l’ancien directeur du site archéologique de Palmyre et a accroché son corps à une colonne antique d’une des places de la ville, a déclaré mardi le directeur des Antiquités syriennes.
Maamoun Abdoulkarim a précisé à Reuters tenir l’information de la famille de Khaled Assaad, qui a dirigé pendant cinquante ans le site des ruines romaines de Palmyre.
(2002)
Il a ajouté que l’universitaire, qui était âgé de 82 ans et a collaboré au fil des années avec des archéologues français, américains, allemands et suisses, était détenu depuis un mois par le groupe djihadiste qui s’est emparé en mai de la ville du centre de la Syrie.
“Imaginez que ce professeur, qui a rendu de tels services à ce site et à l’Histoire, a été décapité… et que son corps est toujours suspendu à une colonne au milieu d’une place de Palmyre”, a déclaré Maamoun Abdoulkarim.
Selon lui, l’exécution publique de Khaled Assaad s’est produite mardi.
La terrible nouvelle a été annoncée par Maamoun Abdoulkarim, directeur des Antiquités syriennes, lui-même informé par la famille de la victime.
«Imaginez que ce professeur, qui a rendu de tels services à ce site et à l’Histoire, a été décapité…», a déclaré le responsable, avant d’ajouter: «La présence continue de ces criminels dans cette ville est une malédiction qui pèse sur chaque colonne et chaque pièce archéologique de la ville». Khaled Assaad aurait été exécuté ce mardi, en public. Un compte d’activiste anti-Bachar el-Assad, rallié à l’État islamique après la chute de Palmyre, a également publié sur les réseaux sociaux une photo du corps attaché à un lampadaire. «Ce sont vraiment des salopards absolus, réagit auprès du Figaro Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe et ancien ministre de la Culture: «Nous sommes face à la lie de l’humanité, si tant est que l’on puisse encore parler d’humanité!», lance-t-il
Khaled Assaad était détenu depuis un mois par les troupes djihadistes qui, en mai dernier, se sont emparées de cette oasis au cœur du désert syrien, classée depuis 1980 au patrimoine mondial de l’Unesco. Maamoun Abdoulkarim a indiqué à l’AFP que le supplicié a été interrogé avec son fils Walid, actuel directeur des Antiquités de la ville, car les bourreaux cherchaient à connaître la prétendue cachette d’une réserve d’or.
L’universitaire avait, au cours de sa carrière, collaboré avec de nombreux chercheurs, notamment français, américains et suisses. Michel al-Maqdissi, ancien directeur des Fouilles et Recherches archéologiques en Syrie, est l’un des derniers scientifiques à l’avoir côtoyé. Interrogé par Le Figaro, il salue la mémoire d’une grande personnalité, d’«un sage»: «C’était un ami très proche, j’ai travaillé avec lui pendant plus de trente ans. La nouvelle m’a complètement bouleversé. J’ai commencé à regrouper mes souvenirs, je voudrais écrire quelque chose mais je n’en ai pas encore le courage.»
Khaled Assaad avait pris sa retraite au début des années 2000, mais restait impliqué dans la gestion du site. C’est sous le mandat français, entre 1920 et 1945, que les premières recherches à Palmyre commencent, mais il faut attendre les années 1960 pour que la ville passionne enfin les archéologues, précisément sous l’initiative de Khaled Assaad. «Avant lui il n’y avait aucune direction archéologique sur le site. Il a organisé des fouilles systématiques et la rénovation des hypogées, les tombeaux souterrains. Il a enrichi les musées avec des découvertes spectaculaires. Mais surtout, il avait un incroyable sens de l’ouverture, avec la volonté de collaborer et de partager», détaille Michel al-Maqdissi. Il évoque notamment, la «visite mémorable» de Raymond Barre à Palmyre en 1977. C’est Assaad qui avait accueilli le premier ministre: «C’était fantastique, les enfants couraient autour d’eux dans les rues.»
Lorsque Palmyre est tombée aux mains du groupe État islamique, en mai dernier, Khaled Assaad, issu d’une importante tribu de la région, avait refusé de quitter la ville: «Pour lui c’était impossible, il aurait eu l’impression de trahir ses ancêtres. Il était viscéralement attaché à Palmyre. Lorsque son métier l’obligeait à voyager, il comptait chaque heure qui le séparait du retour», relate Michel al-Maqdissi.
Pour lui, l’exécution du vieil homme est une manière odieuse pour les troupes de l’EI de ramener l’actualité sur elles: «Assaad n’était pas du tout politisé, même si en tant que fonctionnaire il a dû côtoyer le régime. Seulement, après les vidéos de pillage diffusées il y a plusieurs semaines, l’EI avait besoin d’un nouveau coup médiatique», déplore l’archéologue. «Cet homme a très certainement été exécuté parce qu’il était un ancien notable du régime, explique Romain Caillet, spécialiste des groupes radicaux. Je m’étonne qu’ils ne l’aient pas fait plus tôt, relève-t-il. Il est possible qu’ils aient d’abord tenté de négocier un échange de prisonniers.»