L’équipe de France a remporté la Coupe du monde de football dimanche dernier. Bravo ! Depuis, c’est l’hystérie en France et dans les médias. Mais qu’est ce que cela change au fond ? Rien !
Du spectacle, du fric et de l’idéologie
La coupe du monde c’est du sport de masse : donc du spectacle, du fric et aussi de l’idéologie. Rien de plus.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, nous explique que c’est « bon pour la croissance [1] ». Nous voilà rassurés !
C’est sans doute bon pour les juteux contrats publicitaires de retransmission des émissions, pour les vendeurs de produits dérivés et pour les débits de boisson. Bon aussi pour la reconstruction du mobilier urbain et des magasins régulièrement détruits ou pillés par nos « jeunes » depuis la demi-finale. Ce doit être cela la « destruction créatrice » chère aux néo-libéraux ! Mais pas sûr que cela inverse la donne du chômage de masse ou de la désindustrialisation.
Selon le Parisien du 17 juillet, les Français ont « la tête dans les étoiles ». « Leur vie ne sera plus la même » affirmait le 20 Minutes du 16 juillet. Et dimanche soir une journaliste de la télévision affirmait que les Français allaient pouvoir partir en vacances dans la joie.
La propagande récupère l’évènement
La propagande d’Etat a en effet vite récupéré l’évènement à son profit. On dirait même qu’elle s’y était préparée depuis longtemps…
Le journal Le Monde voit dans « ce moment de bonheur collectif (…) un cinglant démenti aux théoriciens rances d’une obsession nationale fondée sur le nom de famille ou la couleur de peau [2]». Et le ministre de l’éducation nationale Blanquer, la preuve que « l’intégration fonctionne plutôt bien. Pas parfaitement, mais plutôt bien [3]».
On nous remet donc une bonne couche de France « Black, blanc, beur » comme en 1998 .
Les médias nous présentent les Bleus comme des héros. On a les héros qu’on peut. Gagner des millions en tapant dans un ballon, quel acte héroïque en effet ! Le colonel Beltrame doit apprécier.
Dimanche soir les télévisions repassaient en boucle l’image de la masse des supporters encerclant l’Arc de Triomphe, protégé par un cordon de police. Quel symbole en effet, que de voir ce réceptacle de la mémoire nationale assiégé par le culte du foot Black Blanc Beur !
Emmanuel Macron n’est évidemment pas en reste et s’efforce, comme hier Jacques Chirac dans les mêmes circonstances, de profiter de la victoire des Bleus. Une tentative pour effacer les désastreux sondages et la calamiteuse fête de la musique à l’Elysée. Ou la cacophonie du défilé du 14 juillet.
L’orchestration du divertissement
Car le mondial du foot c’est du divertissement, au sens propre de la chose. Il a donc été un formidable moyen de diversion pour l’opinion française pendant que la vraie vie continuait. Un véritable opium.
On a vu Emmanuel Macron gesticuler comme un ludion dans sa tribune. Qu’il est cool cet Emmanuel ! Mais à Helsinki les vrais chefs d’Etat ont débattu de l’état du monde. Un monde désormais multipolaire où les puissances ne traitent qu’avec les puissances. Donc pas avec l’Europe de Bruxelles ni avec un Emmanuel Macron qui en est resté, lui, à l’âge de la multipolarité impuissante.
Pendant les matchs, la censure en profitait pour se renforcer : le chroniqueur Eric Zemmour perdait son émission matinale du RTL, Frédéric Taddéï quittait France Télévision et Twitter supprimait des millions de comptes.
Pendant le Mondial, les « migrants » continuaient d’arriver en Europe.
Pendant qu’on était fortement incité à ne se préoccuper que du foot, par un heureux hasard, la Banque mondiale publiait son classement des PIB mondiaux : l’Inde dépasse désormais le PIB français alors qu’il y a 10 ans il représentait la moitié du nôtre. Un symbole du nouvel ordre économique qui s’installe à nos dépens. Nos médias ont donc fait preuve d’une belle discrétion : pour ne pas désespérer les Bleus avant le match sans doute…
Pendant le mondial, Eurostat publiait aussi ses statistiques démographiques : pour la première fois en 2017 au sein de l’Union Européenne, le nombre des décès excède celui des naissances [4]. L’Europe se meurt, mais les Bleus nous ont permis de regarder ailleurs. Qu’ils en soient remerciés !
Revenons au réel
La victoire des Bleus a réjoui les sportifs français. Très bien.
Mais elle ne change strictement rien à la marginalisation économique, culturelle, diplomatique et militaire de la France au plan mondial, ni au déclin européen.
Il serait temps de revenir au réel.
Michel Geoffroy – Polémia
[1] Sur France 2, le 11 juillet 2018
[2] Le Monde du 16 juillet 2018
[3] Le Grand Rendez-vous d’Europe 1 avec CNews et Les Echos dimanche 15 juillet 2018
[4] Réinformation TV du 13 juillet 2018