Le Marineland d’Antibes est un parc à thèmes français fondé en 1970 par Roland de La Poype à Antibes dans les Alpes-Maritimes, sur la Côte d’Azur. Étendu sur 26 hectares, il comprend un parc zoologique marin avec delphinarium, un parc aquatique (Aquasplash), un parc de jeux pour enfants (Kid’s Island), un minigolf (Aventure Golf) et un hôtel trois étoiles (Marineland Resort).
Il est aujourd’hui devenu la propriété de la multinationale espagnole Parques Reunidos, dont le principal actionnaire est le fonds d’investissement britannique Arle Capital Partners. Son directeur actuel est Arnaud Palu. En 2014 son chiffre d’affaires était de 37,3 millions d’euros, avec un résultat net de 5,5 millions d’euros.
La captivité tue : les chiffres.
Les delphinariums affirment que la détention des animaux marins permet de les prémunir des nombreux dangers que recèle l’océan. Un argument qui considère que la privation de liberté et le confinement contraint est un service rendu. Qui voudrait vivre dans une cellule pour se soustraire aux potentiels risques du monde extérieur ?
Mais surtout, l’argument ne tient pas devant l’analyse des chiffres.
NOAA ( National Oceanic and Athmospheric Administration) rattachée au département d’Etat Américain estime l’espérance de vie des orques femelles vivant en liberté entre 50 et 60 ans et les chercheurs en cétologie ont déterminé la durée de vie moyenne d’une orque mâle en liberté de 30 ans, et 50 ans pour les femelles. La doyenne sauvage connue, vivant en Colombie Britannique et prénommée Granny est aujourd’hui âgée de 103 ans. A titre de comparaison, au Marineland d’Antibes, la durée de vie moyenne des orques est de 18 ans (12 ans si on comptabilise les morts-nés). La “doyenne”, Freya est morte d’une crise cardiaque à l’âge de 32 ans.
Sur les 197 orques captives depuis 1964 jusque 2010, presque 2/3 d’entre-elles n’ont pas passé le cap de 10 ans de vie en captivité. Moins de 30 orques ont survécu plus de 20 ans en bassin.
Les orques d’Antibes :
En tout, 18 orques sont passées par les bassins d’Antibes. Il n’en reste aujourd’hui plus que 4. Deux ont été transférées dans d’autres delphinariums (1 des deux est morte 5 ans après son tranfert à Taiji au Japon, à l’âge de 14 ans).
Les 12 autres sont décédées à Antibes (dont 4 mort nés) à un âge moyen de 18 ans (12 ans si on compte les 4 morts-nés), des durées de vie moyennes largement inférieures à celles des orques libres.
Les huit orques décédées au Marineland d’Antibes sont, par ordre chronologique :
- Calypso : femelle capturée en mer (Canada) le 11 décembre 1969. Décédée en décembre 1970 à l’âge estimé de 11 ans..
- Clovis : mâle capturé en mer le 8 août 1970 (États-Unis). Décédé en février 1973 à l’âge estimé de 4 ans.
- Kim / Oum : mâle capturé en mer (Islande) le 10 octobre 1976. Décédé le 24 juillet 1982 à l’âge estimé de 14 ans.
- Betty : femelle capturée en mer (Islande) en octobre 1978. Décédée le 8 septembre 1987 à l’âge estimé de 13 ans.
- Kim II : mâle capturé en mer (Islande) en octobre 1982. Décédé le 23 novembre 2005 à l’âge estimé de 27 ans.
- Sharkan : femelle capturée en mer (Islande) en octobre 1989 à l’âge estimé de 4 ans. Décédée le 3 janvier 2009 à un âge estimé entre 23 et 27 ans
- Freya : femelle capturée en mer (Islande) avec Kim II en octobre 1982. Décédée d’une crise cardiaque le 20 juin 2015 à l’âge estimé de 32 ans.
- Valentin : mâle, né en captivité le 13 février 1996 et décédé le 12 octobre 2015, à l’âge de 19 ans. Seul petit survivant de Freya et de Kim II, il est mort prématurément, une semaine après les violentes intempéries qui ont touché Antibes et qui ont souillé le bassin des orques25. Le Marineland affirme que sa mort n’est pas liée aux innondations mais refuse de rendre public le rapport d’autopsie.
- 4 mort-nés le 3 mars 1991, le 1er mars 1993, en mars 2001 et le 1er avril 2003. Tous ont été conçus en captivité, leur mère était Freya.
Des animaux intrinsèquement inadaptés à la captivité :
Les orques et les dauphins ont été conçus pour les grands espaces. Ils parcourent des dizaines voir des centaines de kilomètres par jour à l’état naturel, ce qui rend toute captivité impossible sans les priver de leurs instincts essentiels (il ne s’agit pas ici de poissons de récifs qui passent l’essentiel de leur existence sur un même récif – pour lesquels la captivité pose des problèmes encore différents).
Les orques et autres dauphins sont des animaux très sociaux, avec un niveau de conscience extrêment élevé. Il est difficile pour les êtres humains d’appréhender la nature de leur monde sensoriel, émotionnel et relationnel. Et pour cause… Les cétacés sont les seuls mammifères à posséder un cerveau à quatre lobes (des souris aux humains, nous avons tous un cerveau à trois lobes). D’après les chercheurs, ce quatrième lobe, très riche en convolutions et en connexions est le siège des émotions et des relations sociales, il permetterait aux dauphins de communiquer entre eux d’une façon que nous ne pouvons guère qu’imaginer.
Un sonar pour voir le monde avec une acuité sensorielle inégalée.
C’est avec leur sonar que les cétacés perçoivent le monde qui les entoure, bien plus qu’avec leurs yeux. Ce scanner naturel ultra performant les dote de capacités sensorielles qui pourraient inspirer les scénaristes de films de super héros. Un dauphin qui vous “regarde” avec son sonar peut ainsi capter votre état de nervosité, votre état de santé, percevoir une tumeur, un rythme cardiaque, savoir qu’une femme est enceinte… avant qu’elle ne le sache elle même.
Atout majeur en mer, en captivité le sonar devient une torture sensorielle et psychologique :
Le sonar qui permet aux cétacés libres de percevoir l’environnement marin riche et changeant avec une acuité extraordinaire, est en décalage complet avec l’univers morne d’un bassin à la surface lisse qui ne fait que réverbérer leur propre image visuelle et auditive. Il devient alors source d’un stress supplémentaire qui exacerbe l’ennui et la depression.
En construisant le Tilikum Tank, en hommage à Tilikum, l’orque que la captivité a transformé en tueur psychotique, sujet principal du film documentaire Blackfish, Sea Shepherd a voulu que les gens touchent du doigt la réalité de ce qu’est la captivité pour ces animaux.
Le sol et les murs sont tapissés de miroirs car tout ce qu’ils perçoivent sous l’eau de leur environnement carcéral, c’est le reflet de leur propre image et l’écho constant de leurs propres voix, superposées à une musique de spectacle diffusée à plein volume.
Le public est invité à y passer quelques minutes pour se rendre compte… Pamela Anderson qui a inauguré le Tilikum Tank à Cannes en Mai 2016 dira au sujet de l’expérience : “Je n’ai même pas réussi à y rester pendant les trois minutes requises et, lorsque j’en suis ressortie, j’avais envie de mordre quelqu’un. Je ne peux imaginer l’enfer que ça doit être de passer toute sa vie dans des conditions pareilles”
Le problème éthique :
Finalement, imposer des conditions de vie contre nature à des êtres intelligents, sensibles et conscients dans l’unique but de proposer au public des spectacles payants ne devrait pas être présenté aux enfants comme une démarche morale et éthique acceptable. Les animaux deviennent des biens de consommation, objets de divertissement à l’instar d’une sortie au cinéma ou d’un jeu vidéo. Il n’est fait aucun cas du fait que ces animaux n’ont pas choisi d’être là et qu’une fois le spectacle terminé, le public rentre chez lui mais les animaux eux, restent où ils sont, voir sont déplacés dans des bassins encore plus petits. Le respect et l’empathie sont des notions essentielles à transmettre aux jeunes générations, ces spectacles sont aux antipodes de ces valeurs.
L’argument fallacieux de la conservation des espèces :
Le Marineland d’Antibes ainsi que d’autres delphinariums prétendent que la captivité présente un intérêt de conservation des espèces menacées dans leur milieu naturel. Or, les espèces que l’on retrouve le plus en captivité ne sont pas celles dont les populations sauvages sont les plus en danger, loin de là. Les critères de sélection des espèces candidates à la captivité sont surtout liés à leur résistance au stress du confinement et à leur coopération dans le dressage visant à assurer les spectacles vendus au public. Ainsi, les dauphins Tursiops (Alias Flipper le dauphin) ne sont pas considérés en danger par la CITES (LC : préoccupation mineure). C’est pourtant le dauphin que l’on retrouve le plus en captivité car il est particulièrement sociable et résiste un peu plus longtemps au confinement.
Par ailleurs, le Marineland n’a aucun programme ni vision, à moyen ou à long terme d’une quelconque remise en liberté des cétacés maintenus captifs à de prétendues fins de conservation. Tous les programmes de conservation authentiques, ont pour but final de renforcer des populations mises à mal dans leur milieu naturel. Dans le cas présent, la seule porte de sortie pour les orques et les dauphins captifs, c’est la mort (ou éventuellement le transfert vers un autre delphinarium).
On peut aussi s’interroger sur le bien fondé qu’il peut y avoir pour l’espèce en matière de conservation, à maintenir certains de ses représentants dans des conditions où tous les instincts naturels qui ont permis à l’espèce de survivre jusqu’ici sont muselés (la chasse, la sociabilisation choisie, la migration, l’exploration…).
L’argument fallacieux de la pédagogie, à la limite de la publicité mensongère :
De nombreux enfants de 10 ans savent tout des dinosaures, ils n’en n’ont pourtant jamais vu. Ils ont tout appris dans les livres et dans les reportages
Capitaine Paul Watson – Fondateur de Sea Shepherd
Les delphinariums prétendent avoir des vertus éducatives mais les animaux sont dressés pour effectuer des numéros stéréotypés qui n’ont rien à voir avec leurs instincts et leurs besoins naturels. Si le public revenait d’une visite au Marineland en connaissant un tant soit peu les orques et les dauphins, l’abbération qui consiste à les maintenir captifs leur sauterait littéralement aux yeux. Or il n’en n’est rien. Si certains visiteurs ne sont pas dupes des apparences et repartent avec un arrière goût amer, beaucoup sont persuadés d’avoir vu des animaux heureux de passer leur existence dans cet espace confiné et de s’offrir en spectacle jour après jour… Ils ne le savent pas mais ils sont passés à côté de la rencontre avec ses animaux extraordinaires et en payant leur entrée pour voir le spectacle, ils ont ajouté un verrou supplémentaire à leur cachot .
Un parc construit en zone innondable :
Les innondations d’octobre 2015 ont été catastrophiques pour les animaux du parc. La zone sur laquelle le Marineland a été construit a été classé en zone inondable en 2010. Dérèglement climatique aidant, les risques accrus pour les animaux sont de plus en plus préoccupants. Lors de la dernière innondation, les installations du Marineland ont été endommagées à 90%, les animaux de ferme, des raies, des tortues sont morts noyés et l’orque Valentin est décédée une semaine après le désastre alors que le bassin avait été souillé de manière dramatique (présence notamment d’hydrocarbures dans le bassin). Le Parc avait été complètement dépassé par la violence des innondations et s’était avéré dans l’incapacité de gérer une telle catastophe. C’est pour le moins inquiétant dans le sens où une épée de Damoclès climatique planne désormais sur les animaux.
Les alternatives pour le Marineland et pour le public :
L’argument de l’emploi est souvent et logiquement mis en avant pour justifier le maintien en activité du Marineland. Mais si l’argument économique peut se comprendre, un monde où il permet de passer outre l’éthique et la morale ne laisse rien présager de bon. De nombreux exemples dans l’histoire de l’humanité sont là pour en attester. Le Marineland n’est pas obligé de disparaitre, en revanche, il doit évoluer et amorcer dès que possible sa reconversion vers un lieu attractif sans cirque animalier et sans dauphins captifs. Le Parc a tout à gagner à se montrer visionnaire et à anticiper dès aujourd’hui son évolution. Il peut très bien développer les autres secteurs qu’il a mis en place, lancer de vrais programmes pédagogiques et de découverte et pourquoi pas organiser des expéditions en méditerrannée pour permettre au public de rencontrer les dauphins libres dans des conditions d’approche respectueuses. Des rencontres mutuellement consenties… pour changer !
Il reste aujourd’hui 4 orques captives à Antibes.
Toutes sont nées en captivité, il n’en demeure pas moins que les instincts naturels de ces animaux sont inscrits dans leurs gènes, leurs aptitudes physiologiques et leur sonar restent effectifs et ont évolué pendant des millions d’années pour leur premettre de survivre et de s’épanouir en mer. Une phase d’apprentissage et d’adaptation sera évidemment indispensable mais l’argument selon lequel un animal maintenu captif dans des conditions contre nature, devrait le rester toute sa vie au prétexte qu’il n’ a connu que ça, n’ a pas plus de sens que d’affirmer qu’un homme né esclave devrait le rester sous prétexte qu’il n’ a jamais connu la liberté.
Ce que nous demandons au Marineland d’Antibes :
Sea Shepherd étudie avec des scientifiques, des cétologues et des éthologues les possibilités d’offrir une alternative à la captivité pour les orques et les dauphins captifs – à commencer par ceux du Marineland. Des programmes de réhabilitation dans des baies fermées dans lesquelles les animaux pourraient progressivement renouer avec leurs instincts naturels et apprendre ou réapprendre à chasser et à évoluer dans leur milieu d’origine sont à l’étude. Plusieurs lieux pouvant être dédiés à cette étape cruciale sont pressentis et si un travail important et une grosse levée de fonds seront nécessaires pour faire de ce projet une réalité, la contribution effective et la bonne volonté du Marineland pourraient permettre de gagner de précieuses années. Le Parc leur doit bien ça et nous sommes prêts à l’aider dans ce sens.
Tant que la Direction du groupe Parques Reunidos, propriétaire du Marineland, ne s’engagera clairement vers un programme de réhabilitation en milieu naturel des orques et dauphins qu’elle maintient captifs, nous invitons les citoyens conscients et convaincus par cette campagne à boycotter le Parc.