Magistrat honoraire, président de l’Institut de la parole, Philippe Bilger réagit à l’adoption de la réforme pénale voulue par la ministre de la Justice.
Le Parlement a définitivement adopté la réforme pénale, malgré les réserves de Manuel Valls. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que ses réserves tenaient du simulacre et qu’il n’y a, sur le fond, aucun différend entre Manuel Valls et Christiane Taubira. Il n’y a pas d’un côté la fermeté, de l’autre le laxisme : tout cela tient du jeu de dupe, destiné surtout à abuser les citoyens. C’est d’ailleurs Manuel Valls qui a persuadé Mme Taubira de rester au gouvernement : alors qu’il s’affiche social-démocrate, il avait besoin de détenir un bout de la vraie croix socialiste !
Sur le fond, quel jugement portez-vous sur cette réforme ?
Depuis deux ans, Christiane Taubira n’avait absolument rien fait en matière de justice : elle considérait que sa parole tenait lieu de politique. C’est une personne extrêmement intelligente mais incapable d’écoute : elle incarne cette gauche dogmatique et narcissique qui reste aveugle aux réalités et sourde aux attentes du peuple. Il lui fallait une loi, elle l’a ! Elle a donc accolé son nom à un texte calamiteux et, surtout, d’un laxisme périlleux pour la sécurité des citoyens. Quoi qu’en disent les syndicats de magistrats, la suppression des peines planchers appliquées aux récidivistes est une catastrophe. Et la contrainte pénale souffrira, comme le sursis avec mise à l’épreuve, d’un défaut de moyens malheureusement criant. Les conseillers de probation eux-mêmes redoutent que la situation ne devienne explosive.
La garde des Sceaux espère, par ce texte, réduire la “surpopulation carcérale”…
Cette histoire est un conte pour enfants ! Les magistrats français n’incarcèrent pas plus que leurs collègues européens. Au contraire, ils utilisent très largement les peines de substitution à la prison. Autrement dit, la surpopulation carcérale n’est pas le résultat d’un sadisme répressif de nos juges. Nous manquons seulement de places de prison : il faudrait en construire 30 000 de plus. La gauche ne cesse de seriner que c’est la prison qui crée la récidive, alors que c’est la récidive qui conduit en prison. Le drame, c’est que beaucoup, à droite, ont épousé ce poncif absurde!