Au lendemain des attentats de janvier, tandis que le parisien.fr titrait « Attentat de Charlie Hebdo : Le Pen s’engouffre déjà dans la polémique », relayé par le plus.nouvelobs.com « Zemmour et Le Pen osent déjà polémiquer. C’est indigne », à quoi s’occupait le gouvernement ? Il inventait. Une fable. « Lassana Bathily, ce héros ». Plus précisément, il brodait.
C’est ce que racontent Sandra, Jean-Luc, Yohan et les autres survivants de la tuerie du magasin casher à Libération, dans un entretien publié le 7 juin. « Lassana Bathily est quelqu’un de vraiment bien, adoré de tous ses collègues (…) qui nous a, effectivement, proposé de nous sauver en prenant le monte-charge avec lui, mais il n’a pas pu nous sauver puisque nous avons tous refusé », dit Jean-Luc. Selon Sandra, les médias et les politiques ont eu « besoin de trouver une belle histoire » raison pour laquelle les ex otages du magasin casher ne se retrouvent pas dans les versions médiatiques des faits qu’ils estiment parfois « arrangées ».
Le petit groupe d’otages réfugiés au sous-sol du magasin, là où se trouvait Lassana au moment des faits, n’a donc pas voulu suivre, selon ses dires, l’idée du jeune employé d’utiliser le monte-charge ni l’issue de secours à l’étage afin de s’échapper – qu’ils n’avaient pas réussi à ouvrir pour la seconde, et qu’ils jugeaient trop bruyant et trop petit pour eux tous pour le premier. Lassana Bathily est donc parti seul. Les autres se sont ensuite calfeutrés dans une chambre froide. Yohann raconte avoir arraché tous les fils pour stopper la congélation, éteint la lumière et trouvé les clés pour s’enfermer.
S’il ne fait de doute pour aucun des otages que Lassana Bathily a tenté de trouver un échappatoire pour tous, tous s’accordent néanmoins sur ce point : ce n’est pas lui – contrairement à ses dires – qui les a fait rentrer dans le congélateur. « Les médias et les officiels ont voulu enjoliver le tableau, ajoutant qu’il nous auraient fait descendre, etc. Ce n’est pas vrai, mais ce n’est pas la faute de Lassana. A ce moment-là, la France avait besoin d’un héros ». Et un sans-papier « musulman, pratiquant », quelle aubaine pour couper court à la polémique et tordre le cou aux amalgames.
Sandra, Emilie et les autres n’en veulent pas à Lassana, mais aux médias. Quand, à 14h58 ce jour-là, BFMTV – au mépris de leurs vies – annonce qu’« une femme se serait cachée dans la chambre froide. Et y serait encore » . Par leurs portables, ils l’ont même « su en temps réel (…) » ,raconte Emilie, encore tremblante. Pour Sandra, BFMTV « a joué avec nos vies pour une course à l’audimat ». Sans que ce grave manquement au devoir de réserve ayant mis en péril la vie d’autrui ne suscite de la part des autorités concernées la moindre polémique.
L’essentiel, pour le gouvernement, se situait ailleurs. Faire pleurer d’émotion dans les chaumières. D’un côté, un Coulibaly tuant des juifs au nom d’Allah, de l’autre, un Lassana qui les aide parce « qu’on est des frères ». La preuve par neuf qu’il ne faut pas faire d’amalgame.
Certains osaient polémiquer, c’était indigne ? Mais un gouvernement qui ment, qui instrumentalise un sans-papier, on appelle ça comment ?