Né en avril 1958, Daniel Schneidermann est un journaliste spécialisé dans la critique média et l’analyse des images télévisuelles. Il est le fondateur du site @rrêt sur images, qui fut autrefois une émission télévisée diffusée sur La Cinquième.
Est-il possible de faire la critique d’un critique ? Assurément, oui. Analyses pertinentes, enquêtes et scoops dans sa panoplie, Daniel Schneidermann s’est érigé depuis plusieurs années en poil à gratter des médias. Avec son site @rrêt sur images et ses chroniques régulières, il décortique chaque semaine les mécaniques et les coulisses de ceux qui sont censés nous informer objectivement. Mais malgré ses nombreuses qualités et son travail souvent pertinent, Schneidermann n’échappe pas, lui non plus, à la critique. Ainsi va le jeu médiatique.
Formation
Daniel Schneidermann est issu du Centre de formation des journalistes (Paris).
Parcours militant
À 17 ans, il milite durant quelques mois à l’Union des étudiants communistes. Une tendance adolescente pour le communisme partagée, semble-t-il, par beaucoup de ses confrères journalistes, du moins ceux de cette génération.
Presse écrite
Schneidermann débute sa carrière dans la presse écrite en entrant au Monde en 1979 comme simple journaliste.
En 1983, soit quatre ans plus tard, il est nommé grand reporter. Il se fait alors journaliste de terrain et multiplie les reportages, notamment dans la chronique judiciaire.
À partir de 1992, il se met à la critique média en présentant, d’abord quotidiennement puis une fois par semaine, des chroniques consacrées à la télévision. Dans ses chroniques, il met en évidence les moyens télévisuels pour orienter et manipuler le téléspectateur, s’inscrivant ainsi dans une lignée héritée de François Mauriac et autre Morvan Lebesque.
En 2003, il critique ouvertement sa direction dans son livre Le Cauchemar médiatique. Suite au livre de Pierre Péan, La Face cachée du Monde, Schneidermann estime que la réaction de son quotidien est mauvaise et que ce dernier n’a pas répondu aux arguments avancés par le journaliste. Dès octobre, il est licencié pour cet affront. Le comportement du journaliste est jugé « attentatoire à l’entreprise pour laquelle il travaille », une « cause réelle et sérieuse » pour sa direction. Il poursuivra celle-ci aux prud’hommes et gagnera son procès en mai 2005, confirmé en appel en mars 2007.
Évincé du Monde, il se dirige alors vers Libération, où il poursuit ses chroniques sur les médias tous les lundis depuis 2003. Contrairement à sa chronique au Monde, consacrée uniquement à la télévision, Schneidermann extrapole à tous les médias ce qu’il faisait dans Le Monde pour la télé. Il s’agit ainsi « d’une chronique sur tous les médias, pas uniquement audiovisuels ».
Arrêt sur images
Entraîné par le succès de ses chroniques dans la presse écrite, Schneidermann crée en 1995 une émission de critique médias sur La Cinquième. « Arrêt sur images » est né. Producteur et animateur, il présente son émission en compagnie de Pascale Clark la première année. « Arrêt sur images » a pour but « de décrypter l’image et le discours télévisuels et, avec l’aide de divers chroniqueurs et journalistes, d’analyser les dérives et les succès du récit médiatique ».
L’émission pousse la critique média jusqu’à se critiquer elle-même : chaque mois, une journaliste chargée de suivre les débats sur le forum de l’émission, la « forumancière », fait part à Daniel Schneidermann des critiques sur sa propre émission, soumises par les internautes.
Mais peut-on réellement faire une critique sérieuse de la télévision… à la télévision ? Pour Pierre Bourdieu, la réponse était non. Invité le 20 janvier 1996 dans l’émission de Schneidermann, il signait une tribune dans Le Monde Diplomatique intitulée « Analyse d’un passage à l’antenne », quelques mois plus tard, dans laquelle il estimait que l’émission avait illustré ce qu’il avait lui-même l’intention de démontrer : « l’impossibilité de tenir à la télévision un discours cohérent et critique sur la télévision ».
Schneidermann répondra dans le même Monde Diplomatique, se défendant en prêtant à Pierre Bourdieu la volonté de tout contrôler et de ne pas être contredit. Cette querelle sera, en partie, le sujet du documentaire d’un partisan de Bourdieu, Pierre Carles, « Enfin pris ? » en 2002. Lors de ce documentaire, on apprendra notamment que l’émission de Schneidermann n’est pas si critique que cela à l’égard de certains sujets ou personnalités. Par exemple, on peut y suivre un « off » face à Jean-Marie Messier où Schneidermann, alors qu’il l’interroge sur les chiffres liés à la fusion Vivendi-Seagram, le rassure : « Ne vous inquiétez pas on ne va pas vous parler de ça pendant l’émission, on va parler de choses bien plus futiles. »
Son émission provoque cependant de nombreuses tensions au sein du petit monde médiatique. Avec Pierre Carles, mais aussi avec France 2, après qu’il ait critiqué le système « bidon » de certains duplex, avec TF1 après qu’il ait invité un ancien correspondant de la chaîne, Alain Chaillou, pour parler de la fermeture de plusieurs bureaux à l’étranger et du faible intérêt de celle-ci pour l’actualité internationale, et avec Patrick de Carolis après que Schneidermann ait rappelé sur son blog que son nouveau patron a présenté dans l’émission « Des racines et des ailes » un reportage falsifié sur les CRS.
Suite à cela, Carolis prendra la décision de supprimer les rediffusions avant, en 2007, de décider d’un arrêt « irrévocable » de l’émission malgré des audiences correctes. Daniel Schneidermann est licencié de France 5 le 30 juin 2007 pour « faute grave ».
Une pétition regroupant 180 000 signataires sera lancée pour protester contre ce licenciement.
Devant le soutien reçu, Schneidermann va alors relancer son émission, mais cette fois sur un support qui se veut « plus libre » : internet. En septembre 2007, il lance le site @rrêt sur images, avec une partie de son ancienne équipe, en espérant fédérer les signataires pour s’assurer un bon lancement. Sur internet, le journaliste espère trouver plus de liberté qu’à la télévision, notamment pour critiquer celle-ci.
Le modèle économique, qui écarte toute publicité, jugée « non fiable », se tourne vers les abonnements payants. En 2008, @rrêt sur images revendique environ 30 000 abonnés.
Publications
Tout va très bien, monsieur le ministre, Belfond, 1987
Où sont les caméras ?, Belfond, 1989
Un certain Monsieur Paul, l’affaire Touvier, Fayard, 1989 (avec Laurent Greilsamer) Les juges parlent, Fayard, 1992 (avec Laurent Greilsamer)
La Disparue de Sisterane, Fayard, 1992
Arrêts sur images, Fayard, 1994
Anxiety Show, Arléa, 1994
Nos mythologies, Plon, 1995
L’Étrange Procès, Fayard, 1998
Du journalisme après Bourdieu, Fayard, 1999
Les Folies d’Internet, Fayard, 2000
Où vont les juges ?, Fayard, 2002 (avec Laurent Greilsamer)
Le Cauchemar médiatique, Denoël, 2003
Les Langues paternelles, Robert Laffont, 2005 (sous le pseudonyme de David Serge) Gründlich (sous le pseudonyme de David Serge), Stock, 2007
C’est vrai que la télé truque les images ?, avec sa fille Clémentine Schneidermann, Albin Michel, 2008
Préface de Crise au Sarkozistan
Où le sang nous appelle, avec Chloé Delaume, Seuil, coll. « Fiction et Cie », 2013. Terra incognita.net, Le publieur.com, 2013
Il l’a dit
« Même si la liste Cohen mélange tout (quoi de commun entre les quatre ? Et pourquoi Kassovitz ne figurait-il pas dans la liste initiale ?), chacun en entend bien le point commun : les quatre proscrits, sous une forme ou une autre, ont dit des choses désagréables sur les juifs, Israël, ou le sionisme (…) Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle. Et non seulement c’est indéfendable, mais c’est contre-productif », Libération du 17 mars 2013.
« Nous à @rrêt sur images, on critique des articles, des émissions, des propos publics, on ne s’intéresse pas aux gens. (…) Très souvent à la rédaction on se disait : “il y a eu un fait divers d’insécurité. Est-ce qu’on va l’écrire sachant que ça peut être repris par Le Pen ?” Ben oui, il faut l’écrire ! (…) Je n’ai jamais invité Dieudonné. A la fois parce que j’en ai pas envie, mais aussi parce que je ne saurais pas comment le traiter sur le plateau. (…) Dieudonné et Soral, la moindre des vidéos qu’ils mettent sur Youtube, c’est 800 000 à 1 million de vues. Combien faites-vous de téléspectateurs ici à “La Nouvelle Édition” ? Vous en faites moins qu’eux ! Vous croyez qu’ils nous attendent ? », « La Nouvelle Édition »,Canal+, 6 février 2014.
« Socialistes, soyez plus intelligents que les autres, faites-les sans le dire, les réformes. Plutôt que des conseillers en com, embauchez des conseillers en silence. Planquez-les, les réformes, dans les projets de loi les plus inattendus, sur la pêche, le bâtiment, la taille des petits pois. Épargnez-nous les hurlements fatigants et vains, les psychodrames nationaux “à la Sarkozy” de la réforme qui ne débouche finalement sur rien. Faites-les sans flots d’éloquence, sans grosses manchettes de journaux, essayez de passer sous les radars du “Petit Journal”, faites l’économie de l’épuisante et vaine guéguerre entre les cathos et les anticathos qui emplit la chronique franco-française depuis des siècles, cette guerre des grandes gueules qui ne demande qu’une occasion pour se rallumer. Ceux et celles à qui elles s’adressent, les réformes, à qui elles profiteront, et qui les attendent, sauront bien les trouver tout seuls », @rrêt sur images, 2 mai 2014.
« Il faut appeler Le Camp des Saints par son nom : un livre raciste. (…) Jean Raspail était une sorte de Zemmour des années 70 », Libération, mars 2011.
interviews sur RTL, dont on regarde les prestations indéfinissables sur Canal+ (…) Aphatie règne partout. Autant dire qu’il est un personnage public, et que toute caricature, tout écrit satirique visant ses interviews, son idéologie, ou même ce qui apparaît publiquement de sa personne (son accent donc, mais pas ses origines sociales) sont donc acceptables à priori, pour peu qu’ils ne franchissent pas les limites légales. Si Todd les a franchies, qu’Aphatie saisisse la Justice. On rira bien », Le Nouvel Obs, février 2012 (en réponse aux reproches de Jean-Michel Aphatie, voir plus haut).
« Le con étant la cible naturelle de Charlie, on comprend (oups) que son combat (re-oups) le porte naturellement vers les sujets piège à con, plutôt que vers les dossiers compliqués (bon, j’arrête), comme, au hasard, la crise de l’euro, dans lequel les cons et les pas cons sont plus délicats à départager », @rrêt sur images, 2 novembre 2011.
« Oui, c’est un site qui pue, où se déploie en permanence le classique racisme sournois des Gaulois persécutés, toujours implicite bien entendu. De plus, il est anonyme (nous ne sommes jamais parvenus à entrer en contact avec eux), et donc potentiellement manipulatoire. C’est un site, enfin, qui ne produit aucune information en propre. Mais c’est un agrégateur efficace, appuyé sur une communauté mobilisée. Grâce à cette mobilisation, on y voit, on y entend, des vidéos et des informations, qu’on ne voit pas ailleurs. Il est donc une source d’alertes importante. Attention, bouchez-vous le nez : je l’ai inclus dans mon netvibes, et j’y passe régulièrement », @rrêt sur images, 5 juin 2011.
« Dans la famille “je gueule tout haut sur toutes les chaînes ce que je pense que tout le monde pense tout bas” (et je professe donc misogynie, islamophobie, xénophobie, homophobie, ferme résolution pour le rétablissement de la peine de mort), Ménard tente de disputer son monopole à Zemmour (…) Zemmour et ses semblables sont des loups, qui flairent comme l’odeur du sang notre embarras. L’embarras se voit, s’entend, se sent », Libération, 11 avril 2011.
« Il est vrai que tous les racismes ne sont pas affectés d’un coefficient égal d’impunité. Zemmour aurait-il pris les juifs comme cible de son “incorrection politique, au lieu de cogner sur les Noirs et les Arabes, qu’il serait déjà tenu à l’écart de l’antenne, comme l’est (justement) Dieudonné », Libération, 28 février 2011.
« Et voilà qu’on rit. On rit de l’ignoble culot de ces deux desperados contre les bien-pensants. Et on se surprend là, riant avec Dieudonné, ayant rejoint la grande cohorte de tous ceux qui, tout de même, malgré tout, lui reconnaissent un certain talent. Évidemment, on s’effraie de rire. C’est bien moi, là, qui ris à un sketch de Dieudonné ? Mais cet effroi même surprend. Pourquoi avoir peur ? De quoi ai-je peur ? Qu’ai-je à craindre, de cet autre moi qui rit ? Qui rit certes de ce dont il ne devrait pas rire. Dont on lui a appris à ne pas rire. Si longuement appris. Non pas interdit, non jamais, pourquoi une interdiction eût-elle été nécessaire ? Mais appris, avec de belles images, Schindler, Holocauste. Avec des textes poignants, Anne Frank, Primo Levi. Et voici que, des décennies plus tard, on se découvre capable de rire de ça, de deux salauds culottés piétinant ce que l’on a de plus sacré, tellement sacré qu’on ose à peine le nommer. Voici que l’on découvre en soi une sorte de monstre d’innocence et d’insoumission », Libération, 12 janvier 2014.
« C’est incroyable qu’une telle intelligence se trompe de cibles avec une telle constance, se refuse avec une telle obstination à apprendre à diriger sa colère, fonce dans les pièges, tête baissée, et en souriant, parce qu’on lui a répété qu’il fallait sourire à de Caunes, et ce conseil- là il l’a entendu, conseil pas plus stupide que les autres, mais incohérent », Libération, 8 décembre 2013 (à propos de Jean-Luc Mélenchon).
« Être d’accord avec Marine Le Pen, cette expérience limite, cette sensation qui vous prend par surprise, et vous laisse pantelant, tenaillé par le doute : cette adhésion imprévue révèle-t- elle des pulsions profondes, refoulées ? Et si, au fond, j’étais d’accord avec elle ? », Libération, 27 octobre 2013.
Ils l’ont dit
« Car, c’est bien connu, le juif est fourbe, ses indignations sont sélectives, et ses compassions, purement communautaires. Il ne supporte pas qu’on dise des “choses désagréables” sur sa communauté, il a inscrit sur une “liste noire” un “humoriste” (Dieudonné) et un “publiciste inclassable” (Soral, inclassable ?), il se prive d’”invités intéressants” (pour débattre de quoi ?) “parce qu’ils ont contrevenu à un dogme” (lequel ? la Shoah ou la loi qui réprime sa négation ?). Bref, voici un juif pris la main dans le sac de son lobby et coupable de “faute professionnelle”. Si je relis ces phrases aujourd’hui, c’est parce qu’elles me laissent effaré et meurtri comme au premier jour où je les ai lues et aussi parce qu’il est temps d’en mesurer les dégâts. De mesurer vos dégâts, Daniel Schneidermann (…) Car c’est bien votre chronique de “Libération” qui met le feu à la “fachosphère”, ce sont vos phrases que Soral et Dieudonné répètent mot pour mot dans leurs premières vidéos du printemps 2013 appelant leurs partisans à des représailles contre moi, votre rhétorique de “liste noire” et de réflexe communautaire que reprend Dieudonné chaque soir sur scène pour me vouer aux chambres à gaz, votre charge qui nourrit encore aujourd’hui à mon encontre la haine antisémite qui se répand sur internet. Beau travail ! (…) Pour m’avoir ainsi désigné comme l’une des incarnations du “lobby sioniste”, celui qui muselle les médias et empêche de “casser du juif” tranquillement, vous êtes devenu l’un de leurs héros, l’idiot utile du “dieudonnisme” », Patrick Cohen, « Le Plus » duNouvel Obs, 6 février 2014 (un an après que Schneidermann ait critiqué sa « liste noire » de gens à ne pas inviter dans les médias).
« C’est à partir de votre chronique qu’il (Patrick Cohen, ndlr) a commencé à être hué dans les spectacles de Dieudonné et que les dieudonnistes s’en sont pris à lui », Élisabeth Lemoine, « La Nouvelle Édition », Canal+, 6 février 2014.
« Voici alors les propos de Daniel Schneidermann : “On l’a entendu s’exprimer sur Aphatie et sur le tort considérable qu’il fait au midi de la France. Dahan, qui était à votre place, a imité remarquablement l’accent il y a une seconde.” Voilà. Loin d’être alerté par les propos d’Emmanuel Todd, Daniel Schneidermann raconte que lui-même et ses invités se sont bien moqués de l’accent. (…) La prétention et la condescendance des acteurs de toute cette séquence, leur sentiment de supériorité, leur goujaterie, tout cela est assez stupéfiant », Jean-Michel Aphatie, RTL.fr, 26 février 2012 (après qu’Emmanuel Todd ait méprisé son accent du midi dans une émission d’@rrêt sur images).
« Nous nous réjouissons que le moindre de nos gestes soit désormais épié et interprété par les journalistes à l’instar des plus grandes stars. Certains, en dépit de plusieurs années passées à animer des émissions de TV, d’une idéologie conformiste, d’une francophobie à fleur de peau et de leur appartenance à la gauche mondaine n’y sont jamais parvenus. C’est le cas de Daniel Schneidermann et de son site (payant) dont l’audience reste en deçà de celle de notre modeste blogue d’amateurs et de bénévoles », Fdesouche.com, 24 décembre 2009.
« Le souci du chroniqueur quotidien, c’est qu’il faut écrire un papier par jour. C’est à peu près la seule explication que je vois en lisant cette très étonnante chronique, “L’irrésistible portrait d’Eva Joly dans Le Figaro”, signée Daniel Schneidermann », Vincent Glad, « Le Plus » du Nouvel Obs, 15 juillet 2011.
« À force de vous prendre au sérieux, Daniel Schneidermann, vous avez fini par nous ennuyer. Jusqu’à vous fourvoyer. Durablement. Votre art de couper les cheveux en quatre est devenu avec le temps une entreprise de démagogie au service de vos dogmes et de la santé financière de votre site », Yves Delahaie, « Le Plus » duNouvel Obs, 17 novembre 2011.