Lundi matin, la police italienne procédait à 68 arrestations dans le cadre d’un vaste coup de filet contre la ‘ndrangheta, la mafia calabraise, qui gérait depuis plus de dix ans le centre d’accueil des immigrants en situation irrégulière d’Isola Capo Rizzuto (un des plus gros centres de ce type en Europe) et de Lampedusa.
Soupçonnées d’association mafieuse, de fraude, de détournement d’argent public et de vol, les personnes arrêtées comprennent des membres du clan Arena, une famille de la ‘ndrangheta, et aussi Leonardo Sacco, le directeur de l’association catholique Misericordia, qui est le gestionnaire officiel de ces centres, ainsi que le curé local du centre d’Isola Capo Rizzuto, qui aurait touché 132 000 euros par an pour des prestations « d’assistance spirituelle ».
Les autorités italiennes estiment que sur 103 millions d’euros de fonds européens alloués à la gestion du centre d’Isola Capo Rizzuto, 36 millions seraient venus enrichir le clan Arena. Dès lundi, une photo circulait sur Facebook où l’on pouvait voir l’actuel ministre des Affaires étrangères Angelino Alfano à l’époque où, ministre de l’Intérieur, il assistait à un congrès de son parti de centre-droit et donnait une accolade à Leonardo Sacco de l’association Misericordia. Sacco était au centre du réseau qui a permis à la ‘ndrangheta de prendre le contrôle de toutes les activités liées au fonctionnement du centre d’accueil Sant’Anna d’Isola Capo Rizzuto et c’est lui qui a permis l’attribution des marchés publics, pour les services de restauration des centres d’accueil d’Isola Capo Rizzuto et de Lampedusa, aux entreprises créées pour l’occasion par la mafia calabraise.
Cette affaire met une fois de plus en évidence le chaos qui règne en Italie (et pas qu’en Italie) au niveau de l’accueil de ces immigrants débarqués en nombre croissant. C’est d’autant plus inquiétant qu’une enquête du journal La Stampa avait mis en évidence à l’automne dernier des trafics entre la mafia calabraise et l’Etat islamique. Il a été aussi reproché cette semaine aux autorités italiennes, par le Parlement européen, de rendre encore plus difficile la gestion de ces immigrés illégaux en les éparpillant dans tout le pays. Il y en aurait 175 000 environ en ce moment dans la péninsule italienne, les autres ayant déjà poursuivi leur voyage vers le nord.
Les autorités européennes, et notamment Dimitris Avramopoulos, le commissaire chargé de l’immigration, reprochent encore à Rome de ne pas fournir toutes les informations requises par les pays devant accueillir ces immigrants demandeurs d’asile dans le cadre du système européen de redistribution. Un reproche qui n’a pas empêché la Commission européenne, mardi, de menacer l’Autriche, la Hongrie et la Pologne du lancement d’une procédure de sanction à la fin juin si ces trois pays persistent dans leur refus d’accueillir leur quota obligatoire d’immigrants arrivés illégalement en Grèce et en Italie.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), depuis le début de l’année 54 000 immigrants sont arrivés illégalement en Europe, dont 45 000 en Italie, 6 100 en Grèce et 2 400 en Espagne.