On sait, mais il est toujours utile de le répéter, que le génocide arménien de 1915 fut précédé des massacres de 1894-1896 menés par Abdul-Hamid, sultan ottoman plus sinistre et sadique (s’il était possible) que le reste de sa parentèle fort déséquilibrée – et haineux à l’égard des catholiques que son empire englobait. A l’époque un véritable mouvement arménophile s’était élevé en France, mené par les écrivains et les artistes : une exposition du musée Montmartre en 2007 l’évoquait longuement. Abdul-Hamid fut alors abondamment caricaturé. La mort lui parle à l’oreille : les éditions de Paris ont choisi un dessin de Jean Veber paru dans Le Rire en 1897 comme couverture du livre de Clément Maraud, Ubu sultan, tragédie burlesque en trois actes.
Dans un texte de quatorze pages, l’auteur rappelle qui fut « Hamid le Saigneur », avant de le mettre en scène. Potentat désargenté et paranoïaque, Abdul-Hamid est confronté à son mage qui le filoute, à Rachida la voyante gitane, au gardien du harem, etc. Mais tandis qu’il gère son empire avec les moyens du bord et ses moyens intellectuels (faibles, les uns et les autres), à Paris le ministre Gabriel Hanotaux projette de le faire assassiner en lui envoyant le Père Ubu et Vacher l’éventreur.
Portrait d’un potentat minable et cruel, cette fable politique se lit dans un fauteuil ; on la verrait volontiers sur scène.
Clément Maraud, Ubu sultan, tragédie burlesque en 3 actes. Précédé de Hamid le Saigneur (réflexion sur le massacre des Arméniens de 1894-1896). Les Editions de Paris Max Chaleil, 80 pages, 12 euros.
Guy Denaere – Présent