En 2016, le drakkar normand a le vent en poupe. On célèbre la victoire de Guillaume le Conquérant à Hastings, en 1066. Et depuis le 1er janvier, la région administrative est réunifiée.
Voilà l’occasion de se replonger dans l’histoire normande, celle d’une province qui vient de loin ! Pierre Bouet, universitaire, le montre admirablement dans son ouvrage : Rollon, le chef viking qui fonda la Normandie (Tallandier).
On dit souvent de Rollon qu’il fut le premier duc normand ; mais sa vie est enveloppée dans les brumes du mythe. Même son origine (danoise ou norvégienne) est discutée.
A travers la vie de Rollon, Pierre Bouet explique les évolutions politiques d’un monde carolingien bouleversé par les invasions vikings. A la fin du IXe siècle, comme le reste des côtes françaises, la Neustrie – vaste terre franque entre Loire et Seine – est ravagée par les pillages. Le long de la Seine, des bandes scandinaves s’y installent. Le guerrier Rollon, chassé de Scandinavie et ayant porté les armes en France et dans les îles britanniques, est de ceux-là. Il conclut une trêve durable avec la cité de Rouen et son évêque. Puis, suivant la tradition du moine Dudon de Saint-Quentin, Rollon conclut le fameux Traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911. La postérité y a vu l’acte de naissance de la Normandie. Pourtant, il ne stipule pas l’octroi à Rollon d’un titre de « duc de Normandie » (il apparaîtra plus tard) mais de comte de Rouen.
Le roi des Francs, las des pillages, accorde à Rollon une terre indépendante située autour de Rouen. Ce territoire, bordé à l’est par l’Epte, est bien plus petit que la future Normandie. A en croire Dudon, Charles le Simple accorde au chef viking la main de sa fille Gisèle. Enfin, le Scandinave obtient du roi une « terre à piller » : ce sera la « terra britannica », à savoir l’actuel département de la Manche (à ne pas confondre avec le duché de Bretagne proprement dit).
En échange, le païen Rollon doit se convertir et se mettre au service du roi. Sa situation est extrêmement favorable : aux termes du traité, sa relation avec Charles n’est pas de l’ordre de la vassalité, mais de l’amitié.
La future Normandie est en germe. A la suite de leur chef, les Scandinaves se convertissent – difficilement, il est vrai. L’installation des Vikings est alors marquée par l’intégration progressive dans le monde franc et l’expansion normande vers l’ouest. Quand Rollon s’éteint, en 933, son bilan est remarquable. Comte carolingien, il est cependant détenteur de tous les privilèges royaux. Il a restauré la paix publique sur une terre sinistrée. Ancien païen, il laisse enfin l’image, immortalisée par les chroniqueurs médiévaux, d’un protecteur des églises et du peuple.
En somme, Pierre Bouet livre là une fascinante biographie de Rollon ; à la suite du « premier duc », maints aventuriers s’élanceront de Normandie, pour conquérir la Sicile ou l’Angleterre…
Tugdual Fréhel – Présent
Pierre Bouet, Rollon : le chef viking qui fonda la Normandie, Tallandier, 224 p.