Rosie Davis (Bande-annonce)

L’Irlande des années 1970 faisait penser à la France des années 1950, avec peut-être plus de pauvreté. Les gens n’y menaient pas grande vie mais avaient le cœur sur la main. Puis le fameux « tigre celtique » s’est réveillé, aidé à flots par l’Europe : les ronds-points ont surgi plus abondamment que jamais, les grosses voitures ont pullulé, et honte à celui dont l’immatriculation indiquait que sa grosse cylindrée datait de l’année précédente ! Enfin ce fut le reflux, douloureux, quand la même Europe estima qu’elle avait assez aidé…

Désormais, l’Irlande semble s’être remise de ses difficultés et avoir retrouvé une certaine prospérité. Mais Dublin, notamment, connaît un nombre assez impressionnant de familles irlandaises à la rue. Comment peut-on en arriver là ?

Paddy Breathnach, le réalisateur, nous fait partager les quelques heures qui risquent de faire basculer la famille unie que forment Rosie (Sarah Greene), son compagnon John Paul (Moe Dunford) et leurs quatre enfants – dont le jeu est d’un naturel remarquable – dans la situation de sans-abri. Ils ont dû quitter quinze jours plus tôt la maison qu’ils habitaient dans un de ces lotissements si fréquents en Irlande, mise en vente par le propriétaire. Depuis, ils errent d’un hôtel à l’autre. Rosie peut à peine conduire les enfants à l’école et s’occuper de la plus jeune tant elle doit passer de temps au téléphone afin de trouver une « chambre familiale » pour le soir même. Une dispute avec sa mère a laissé des traces et l’empêche de trouver refuge chez elle.

« On n’est pas SDF, se rebelle Rosie devant une remarque de son jeune beau-frère, juste perdus – enfermés dehors. » Le film est en grande partie tourné en extérieur, on n’y retrouve pas les grandes artères de Dublin, O’Connell St, Grafton St, juste des banlieues pavillonnaires, des parkings, des rues passantes… Le réalisateur a voulu montrer que « la précarité est devenue une menace concrète pour tout le monde, alors qu’elle paraissait assez lointaine auparavant ». Rosie et sa famille ne veulent pas révéler à leur entourage (amis, anciens voisins, directrice d’école, patron de John Paul, qui tous d’ailleurs se montrent humains) où ils en sont. La souffrance des enfants est suggérée par des détails. Pas de pathos, un récit qui sonne douloureusement vrai.

 

Anne Le Pape -Présent

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