Le célèbre (et très sérieux) National Geographic a publié ce lundi un article hallucinant. Cet article, signé par Susan Goldberg (rédactrice en chef monde), demande pardon pour ses reportages commis « jusqu’aux années 1970 ». Cet article a été écrit dans le cadre d’un numéro spécial consacré aux concepts de « race ».
Accrochez-vous, cela vaut le détour. Comme si les syndromes de Stockholm et de Münchhausen avaient fusionné pour créer une nouvelle génération de journalistes. Nous sommes le 2 novembre 1930. National Geographic a envoyé un reporter et un photographe couvrir un événement majeur : le couronnement d’Haïlé Sélassié Ier, dernier empereur d’Ethiopie. D’après la rédactrice en chef, ce reportage dépeignait les indigènes d’Ethiopie comme des « sauvages anoblis ». Il est vrai, le terme ne passerait plus en 2018. Parce que nous sommes justement en 2018 et non en 1930.
Mais notre chère Susan Goldberg va plus loin dans ce miserere nobis. S’ensuit une longue réflexion sur la ségrégation américaine digne de la rédaction inspirée d’un collégien : « Si une telle cérémonie en l’honneur d’un homme Noir avait eu lieu en 1930 aux Etats-Unis par exemple, et non en Ethiopie, il n’y aurait sans doute jamais eu de couverture médiatique. Pis encore, si Haïlé Sélassié Ier avait alors vécu aux Etats-Unis, il n’aurait sans doute pas fait partie des lecteurs de National Geographic dans une ville comme Washington où la ségrégation était très stricte, et n’aurait pas été autorisé à faire partie de la communauté National Geographic ».
On ne sait pas ce qui est pire, qu’un empereur éthiopien ne puisse pas être couronné aux Etats-Unis ? Ou qu’il ne puisse pas être un lecteur de National Geographic ? Cela rappelle la logique des défenseurs du droit de vote des étrangers.
Susan Goldberg va plus loin dans son processus d’identification victimaire : « J’en suis la première rédactrice en chef, Juive de surcroît, deux groupes de population qui ont, eux aussi, été discriminés aux Etats-Unis. Il m’est douloureux de partager cet affreux état de fait qui fait pourtant partie de l’histoire du magazine ». Si l’on était pointilleux, on serait tenté de reprocher à cette dame son racisme latent en osant comparer la ségrégation des afro-américains avec celle des femmes mais passons. Ce que démontre cet article en réalité est à double effet. Premièrement il s’inscrit dans cette vague moderniste visant à déclamer que toutes les cultures et toutes les civilisations se valent. Sachez-le : dire que la dynastie Ming était supérieure aux tribus papous au XIIIe siècle fait de vous un odieux raciste. Supputer que l’empire byzantin était de loin plus avancé que le peuple touareg vous range avec ceux qui hiérarchisent les peuples et donc un fasciste en puissance.
L’autre intérêt d’un tel mea culpa est également économique. Car la culpabilisation a cela de pratique qu’elle fait vivre le racisme, alimente un débat, vous place dans le camp du Bien et donc vous fait gagner de l’argent.
Etienne Defay – Présent