Le gouvernement veut réintroduire la pornographie dans le cinéma grand public!

André Bonnet est avocat de l’association « Promouvoir », créée en 1996 dont l’objet est la promotion des valeurs judéo-chrétiennes, et notamment la défense des plus jeunes, dans tous les domaines de la vie en société, dont le cinéma. En compagnie des « Juristes pour l’enfance », et de « Action pour la dignité humaine », l’association vient de remporter une nouvelle victoire devant le Conseil d’Etat contre le film d’animation « Sausage Party ».

— Comment cette affaire a-t-elle débuté ?

— « Sausage Party » est un film d’animation, sorti en salle le 30 novembre 2016, mettant en scène des légumes humanisés. Du début à la fin les dialogues sont très crus, le plus souvent à caractère sexuel et le film s’achève carrément sur une scène d’orgie qui dure près de trois minutes. C’est tout simplement sidérant. Pourtant, Mme Azoulay, ministre de la Culture, ne l’a interdit qu’aux moins de douze ans, sans accompagner ce visa d’un quelconque avertissement. Nous nous sommes donc portés requérants devant le tribunal administratif de Paris, en référé, afin d’obtenir la suspension du visa d’exploitation et l’arrêt de la diffusion en salles auprès des moins de seize ans.

— Quel a été le résultat ?

— Les associations et la quarantaine de parents qui s’était joints à elles se sont heurtés à un juge en référé qui n’a pas hésité à faire de l’humour au détriment des plaignants. Par une ordonnance du 14 décembre 2016 ce juge a rejeté la demande de suspension. Selon lui, il n’était nul besoin d’une interdiction plus sévère, ni même d’un d’avertissement, compte tenu du caractère déjanté du film et de la « capacité de distanciation » des enfants dès l’âge de douze ans, qui « savent que les aliments n’ont pas de vie sexuelle ».

— Quels sont les problèmes juridiques que vous avez soulevés ?

— Tout d’abord cette absence d’avertissement. Ensuite le fait que le film avait été vu par la commission de classification – qui donne son avis sur l’interdiction à choisir – seulement en version anglaise. Or les dialogues, particulièrement dans ce film, sont très importants. Il était évidemment difficile de se faire une idée de son impact sur les plus jeunes sans la traduction française, d’autant que le script français n’était même pas disponible lors de ce visionnage. Le juge ayant rejeté notre requête, nous avons donc saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

— Conseil d’Etat qui vous a donné raison ?

— Par une décision du 8 mars 2017, le Conseil d’Etat a effectivement cassé l’ordonnance du juge des référés en affirmant que l’on ne pouvait admettre un visionnage en anglais sans disposer au moins d’un script en français. Il a également pointé du doigt l’absence d’avertissement. Il y a donc eu cassation complète de l’ordonnance pour double erreur de droit, ce qui est assez rare.

— Cependant il semblerait que l’affaire soit loin d’être terminée ?

— En effet. Car le Centre national du cinéma a transmis au tribunal administratif, au nom du ministre, un nouveau visa censé être du 3 mars, mais qui n’est ni daté ni signé ! Espérant ainsi, manifestement, convaincre ce tribunal de prononcer un non-lieu à statuer sur le premier visa. Juridiquement cela ne tient pas. Autre constatation étonnante : le visa sur la base duquel le film a été diffusé a été délivré le 29 septembre 2016, alors qu’on ne trouve trace nulle part d’une demande de visa qui aurait été déposée avant cette date. La seule en notre possession, et avancée par le ministre lui-même, est datée du 25 novembre suivant… J’ai donc le sentiment que des intérêts financiers attachés à la diffusion de ce film ont conduit à malmener quelque peu – c’est un euphémisme – la procédure à suivre en matière de classification.

— Ce n’est pas le premier film que vous attaquez. Qu’est-ce que cette classification française traduit des motivations de notre gouvernement ?

— Par un décret du 8 février 2017, le gouvernement actuel a décidé ouvertement d’autoriser la diffusion de pornographie auprès des mineurs dès lors qu’il n’y a pas « accumulation des scènes » ni violence appuyée ! C’est contraire au Code pénal (article 227-24) et aux principes mêmes de protection de la jeunesse. L’objectif est donc clairement de réintroduire la pornographie dans le circuit du cinéma grand public. Cela revient à abroger de fait la loi de 1975 qui interdisait la diffusion de film pornographique dans les salles grand public et qui avait interdit les aides publiques aux films contenant des scènes pornographiques. L’enjeu est donc nettement financier. Mais pas seulement : il est aussi idéologique et les avis de la Commission de classification, comme les décisions du ministre de la Culture, trahissent à cet égard une vision ouvertement très libertaire et hédoniste de la société.

— Nous sommes en mars 2017, le visa de « Sausage Party » diffusé en novembre devrait être annulé d’ici à trois semaines. N’est-ce pas trop tard ?

— On peut bien sûr regretter que ces décisions arrivent tard. Un rapporteur public du Conseil d’Etat a par ailleurs épinglé publiquement, en des mots très durs, les refus réitérés du juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre des visas pourtant évidemment très contestables. Cependant, l’action de « Promouvoir » n’en demeure pas moins utile car elle a un impact direct sur le travail de la Commission de classification qui se sent sous la menace constante d’actions en justice efficaces. En outre, le CSA n’est pas indifférent à cette problématique puisqu’il suit généralement, sans le dire ouvertement, les avis de l’association en imposant à la télévision une classification supérieure à celle retenue par le ministre de la Culture. Ce n’est pas négligeable, même si cela reste fragile, puisque le gouvernement vient de nommer au CSA le président de la Commission de classification, ancien chargé de communication de Lionel Jospin…

Pour plus de renseignements sur l’association Promouvoir : www.asso-promouvoir.com

Association Promouvoir, BP17, 84850 Camaret-sur-Aigues

Propos recueillis par Anne Isabeth pour Présent

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