Alain Jakubowicz, le président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), s’épanchait ce vendredi dans les colonnes du Huffington Post pour y déplorer « le retour [en France] d’un véritable racisme décomplexé ». Et de multiplier les exemples pour justifier son analyse : des faits récents, liés à « l’affaire Théo » ; d’autres plus anciens (« les cris de singe subis par des joueurs de football en raison de la couleur de leur peau et les bananes jetées à Christiane Taubira, […] les propos de Nadine Morano sur la France, “pays de race blanche”, [les] “islamo-gauchistes” […] qui défilaient dans Paris en ce 15 juillet 2014 en criant “Mort aux Juifs”, [les] panneaux qui promettaient d’envoyer “les pédés au bûcher” lors des manifestations contre le mariage pour tous »).
Or, si les insultes et les slogans appelant à la violence sont évidemment intolérables, inclure dans cette liste la déclaration de Nadine Morano relève de l’amalgame précisément dénoncé par les bien-pensants. Il s’agit là non d’un discours raciste mais d’une vérité historique, déjà formulée par le général de Gaulle : « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche. »
Quant aux « réactions à “l’affaire Théo” », M. Jakubowicz donne pour preuves que « la parole raciste s’est libérée […], ce représentant syndical policier expliquant que “bamboula, ça reste convenable”, puis cet ancien avocat général près la cour d’appel de Paris [Philippe Bilger] ne résistant pas à l’envie de tweeter que “bamboula”, c’était, dans sa jeunesse, “un terme affectueux” ». Ne vous en déplaise, M. Jakubowicz, qu’un mot « affectueux » il y a quarante ou cinquante ans soit devenu injurieux signifie non pas que la France est devenue raciste, mais pudibonde. Cela ne montre pas que « le racisme décomplexé est de retour » mais que tout est, désormais, prétexte à taxer de racistes ceux qui ne sont pas des bigots du politiquement correct.
M. Jakubowicz dénonce encore, et « surtout, sur les réseaux sociaux, un déferlement de haine qui, sous couvert de vouloir défendre les forces de l’ordre, s’autorise au pire et à l’ignoble ». C’est certainement vrai, hélas. Mais il devrait citer d’autres tweets qui fleurissent sur la Toile : tweets violemment anti-blancs (« Franchement je suis raciste des français dans le genre sal race ya pas pire vos mère les grosses putes babtou de merde »), anti-Manif pour tous (« I have a dream, des centaines de lodens et de trench-coats homophobes malmenés le 16 octobre par un gros camion blanc »), antisémites (« Machallah Mehdi Lemmouche qui a tuer les feujs fier de m’appeler Mehdi mdrrrrr »).
Si, donc, « depuis plusieurs années, nous assistons à une escalade raciste, antisémite, homophobe qui témoigne de la vitalité des extrémismes identitaires en France », il faudrait que M. Jakubowicz condamne TOUS les discours racistes, antisémites et homophobes, TOUS les appels à la violence ou au meurtre. Et, si cette « surenchère […] constitue souvent le prélude au passage à l’acte », peut-être devrait-il s’attarder sur qui passe le plus souvent à l’acte…
Finalement, M. Jakubowicz a raison lorsqu’il déclare : « Le racisme décomplexé est de retour et certains Français n’en ont même plus conscience. ». M. Jakubowicz parle d’or. En est-il conscient ?
Christine Célérier – Boulevard Voltaire