La ville de Paris proposerait bientôt de pouvoir choisir son sexe psychologique plutôt que celui de l’état-civil sur une carte de parking. La ville de Paris semble avoir acheté sa participation au grand concours planétaire «qui sera le plus démagogue à propos d’une question mineure que personne ne se pose?» D’après la rumeur, elle proposera bientôt aux transsexuels une carte de parking qui mentionne non le sexe que la Nature leur a donné, mais celui dans lequel ils se sentent le mieux. Voilà une initiative qui est, nous dit-on, tout à fait conforme à ce qu’ils souhaitent. Logiquement la majorité de la population devrait donc s’en réjouir avec eux. Quand on peut faire plaisir, on n’hésite pas.
Or c’est curieux mais plus on y réfléchit, et plus on peut se demander si la majorité de l’opinion, qui est assez revêche, se réjouit vraiment de ce genre de choses. La question n’est donc pas vraiment de savoir si la mesure en question est bien ou mal accueillie par le 1 % de la population qu’elle concerne, mais par les 99% qui restent, et dans quelle proportion. (Pour avoir fait preuve naguère d’une curiosité du même genre, pour m’être demandé publiquement si la femme à barbe en lamé Conchita Wurtz allait ou non révulser la moitié de l’Europe après l’Eurovision, et si la provocation valait le rejet qu’elle pouvait susciter, j’ai été insulté dans un journal de gauche par un écrivain de 25 ans qui m’a apostrophé nommément en m’accusant d’être révulsé, à titre personnel, par un travesti. Je ne sais pas si le lecteur mesure le glissement sémantique mais on se serait cru à Moscou en 1934 -d’ailleurs l’intéressé s’est excusé depuis)..
Tout le problème est de savoir en quoi consiste le gouvernement d’une ville ou d’un pays. Affronter la majorité de l’opinion en permanence? Faire sortir les gens de leurs préjugés? En tenir compte? Quand on fait sortir les gens de leurs préjugés, il arrive qu’ils sortent aussi de leurs gonds. Ce qui est fâcheux avec les initiatives m’as-tu-vu sur la tolérance, c’est qu’elles ont souvent l’effet contraire à celui qu’elles recherchent. Jusqu’ici personne ne s’était réellement posé la question du genre à apposer sur une carte de parking. À présent c’est fait. Les trois quarts des lecteurs n’avaient pas d’opinion, désormais, grâce à Mme Hidalgo, ils en ont une. Il n’est pas certain que ce soit la bonne. Ni que Mme Hidalgo ait lieu de s’en réjouir.
C’est donc toute l’attitude d’une «certaine gauche» qui est à revoir parce qu’elle accentue en permanence les tensions sociales dans notre pays y compris sur les questions sans importance. Là où les Allemands et les Indiens ont placidement ménagé une case «autre» sur les formulaires à côté de Homme ou Femme, les donneurs de leçons en France vont bientôt nous infliger des cours de rattrapage sur l’identité sexuelle . Il est encore permis de considérer cela comme le cadet de nos soucis, mais j’imagine, à observer les sourcils de Manuel Valls, qu’un décret nous interdira un jour de traiter ces questions à la légère.
Christian Combaz