Par Charles Chaleyat
Avec le temps va tout s’en va…
Rien ne sert de fantasmer ni de se donner des actes de naissance plus anciens les uns que les autres comme si le bourgeois de Tombouctou descendait directement de Toumaï, le paysan catalan de Tautavel ou mon oncle de Cro Magnon… La Terre nous réserve toujours des surprises que messieurs les archéologues – aidés de quelques bergers (Göbekli), écoliers (Lascaux), spéléologues (grottes Cosquer, Chauvet), carriers (Sterkfontein et al) ou simples curieux (Pincevent) grâce aussi aux photos aériennes ou satellitaires – nous servent, à temps pour modifier le savoir des nations et leurs postures. On trouve toujours plus ancien que soi, et plus grandit cette ancienneté plus elle entraine en même temps que nous différons de ces ancêtres…
On savait déjà que la civilisation mégalithique d’Europe occidentale (Bretagne, Angleterre, Espagne, Portugal, répandue jusqu’au Maghreb et en Scandinavie), précédait de deux millénaires la civilisation égyptienne pharaonique et sa première pyramide pourtant déjà bien ancienne pour le grec Thalès qui la contemplait au Vè siècle avant J.-C.! Cette civilisation a érigé, 45 siècles avant JC., les plus grosses pierres jamais levées de mains d’homme comme le menhir d’Er Grah de Locmariaquer (le Mané Er Hroeg de 300 tonnes, gisant à terre aujourd’hui brisé en 4 morceaux), des ensembles colossaux comme Stonehenge et Carnac et les temples monumentaux de Malte datés de 5500 av. J.-C.
Récemment trouvé et fouillé, encore plus étonnant, est le temple monumental de Göbekli (Turquie sud-est, extrémité du Croissant fertile) placé au Néolithique précéramique A et daté d’environ 11.000 ans avant notre ère, donc 70 siècles avant les pyramides égyptiennes. Cest donc le plus ancien temple jamais découvert. Comme souvent, ce site apparaissait comme une colline jonchée d’éclats de silex qui, ayant attiré l’œil d’archéologues américains en 1963, ne fut retrouvé qu’en 1993 quand un berger aperçut d’étranges pierres sortant du sol poussiéreux.
Dégagé par les fouilleurs, la colline (recouverte volontairement par ses derniers occupants vers 8000 av.J.-C) est faite d’un amoncellement de pierres sèches non-sculptées où ont été découvertes des pièces circulaires faites d’énormes piliers de calcaire pesant chacun 10 tonnes. Ils étaient extraits du voisinage où d’énormes pierres en T de 3 m et plus, gravées d’animaux, ont été retrouvées.
Comme il date de la période précédant l’apparition de l’agriculture (située vers 8000 au Moyen-Orient) et qu’on n’y a trouvé aucune trace de plantes ou animaux domestiqués, il est attribuable à des sociétés de chasseurs-pêcheurs (on a retrouvé d’ailleurs des racloirs et des pointes de flèches), ce qui modifie la théorie ancienne qui associait l’agriculture aux constructions et aux sédentaires.