Cela faisait bien longtemps qu’une aussi belle série ne s’était pas imposée dans l’univers des albums dessinés. Antoon Krings, ou plutôt sa collection des Drôles de petites bêtes, a été une révélation pour les orphelins de Béatrix Potter, la créatrice de Pierre Lapin n’ayant jamais été vraiment remplacée après-guerre. Envers Béatrix Potter, notre dessinateur franco-belge se reconnaît d’ailleurs une filiation, il cite également Maurice Sendak, dont on sent nettement moins l’influence dans ses dessins, ce dont nous ne nous plaindrons pas.
Un esthète au cœur d’enfant
Antoon Krings aime souligner qu’il réalise un travail d’artisan, du crayonné à la mise en peinture de ses illustrations, à la gouache comme à l’acrylique, il est le seul à donner vie à ses petits personnages. On le dit très exigeant, soignant les moindres détails de ses récits, dont les textes sont aussi travaillés que les dessins. L’homme est élégant, presque dandy, et a décidé il y a plus de vingt ans d’abandonner l’univers de la mode pour se consacrer à temps plein aux petites bêtes du bon Dieu qu’il met en scène avec une poésie et une simplicité qui touchent autant ses jeunes lecteurs que leurs parents. Il serait faux de penser que la littérature jeunesse, surtout lorsqu’elle s’adresse ainsi aux tout petits, est une aventure facile. La réussite en ce domaine n’est accessible qu’à quelques âmes qui ont su préserver, malgré la course des années, leur esprit d’enfance. Krings insiste d’ailleurs sur la solitude et les longues heures de rêverie que nécessite son travail.
Une collection intemporelle
A l’origine des Drôles de petites bêtes : Mireille, une petite abeille dont Antoon Krings relatait les aventures dans le cadre familier du jardin, celui dans lequel les enfants se réfugient pour y jouer… ou y rêver pour les plus citadins, et qui rencontra un succès immédiat. Aujourd’hui, ce sont dix-huit millions d’albums qui ont été vendus à travers le monde, des chiffres qui provoquent le vertige au milieu du marasme éditorial ambiant. Les éditions Gallimard sont en train de rééditer l’ensemble de la collection dans une nouvelle présentation qui allie simplicité et élégance. Si vous n’avez pas encore bouclé votre liste de cadeaux pour Noël, jetez-vous sur Gaston le caneton, Georges le rouge-gorge ou encore Samson le hérisson. Les Drôles de petites bêtes ont également été adaptées en dessin animé. Avouons que la formule ne nous a pas du tout séduits. Privilégiez sans hésitation les albums imprimés qui révèlent toute la poésie de l’œuvre d’Antoon Krings et constituent une oeuvre intemporelle qui ne vieillira pas plus que celle de Béatrix Potter.
Alice Delacroix – Présent
Les Drôles de petites bêtes, Gallimard Jeunesse, chaque album : 6,20 euros.