Grâce à une technologie d’édition de gènes, des chercheurs ont fait un pas de plus vers la transplantation d’organes de cochons chez des êtres humains. “C’est l’exemple le plus extrême, à ce jour, de la précision des modifications génétiques généralisées qui est rendue possible grâce au CRISPR”, écrit la journaliste du magazine Science. Cet exemple, c’est l’inactivation, à l’échelle du génome de cochon, du risque rétroviral endogène porcin (PERV), une sorte de virus soupçonné de déclencher des réactions de rejet lors de transplantations du cochon vers l’humain ; CRISPR est la technologie révolutionnaire – largement exploitée par le Pr George Church, de la faculté de médecine de Harvard – permettant de “rechercher-remplacer” des séquences d’ADN.
Bienvenue dans la fabrique du “bébé parfait”
En d’autres termes, les scientifiques de l’équipe de Church sont parvenus à éradiquer des séquences génétiques potentiellement nocives pour les humains dans des cellules d’organes de cochons, à 62 emplacements différents. Alors que près de 122 500 personnes sont en attente de greffes d’organes, rien qu’aux Etats-Unis, ces résultats ravivent les espoirs de rendre un jour les xénogreffes possibles, c’est-à-dire des transplantations d’organes du cochon potentiellement compatibles avec le corps humain. L’étude qui les décrit est parue le 8 octobre dans la revue à comité de lecture Science.
Des reins de laboratoire opérationnels une fois greffés
Certains pensent en effet que les organes de cochon pourraient pallier le manque d’organes humains disponibles pour des greffes, parce qu’ils sont de taille similaire et qu’il existe de nombreuses analogies génétiques entre ces deux espèces. “Mais jusqu’à présent, personne n’avait été en mesure de contourner la violente réponse immunitaire que les cellules de cochon provoquent [chez l’humain]”, souligne la journaliste de Science.
Si les risques de PERV peuvent être écartés, “cela fera déjà un problème de moins à régler”, indique à Science Daniel Salomon, physicien et immunologiste au Scripps Research Institute à San Diego. Mais ce n’est pas suffisant. Car pour rendre les greffes d’organes de cochon opérationnelles, “les chercheurs doivent encore identifier toutes les nombreuses autres molécules du cochon qui provoquent des rejets de la part du système immunitaire humain et pour chacune d’entre elles, ‘assommer’ les gènes responsables, sans pour autant tuer le cochon”, poursuit le magazine.
Des embryons “sans risque” de cochons prêts en 2016
Church affirme que son équipe dispose d’une telle liste de gènes et travaille à leur désactivation grâce au CRISPR et à d’autres méthodes. “Ils espèrent avoir des embryons de cochons sans PERV, compatibles avec le système immunitaire, prêts à être implantés dans des femelles porteuses dès 2016”, dévoile Science.
Pour autant, certains – comme David Cooper, chercheur à la faculté de médecine de l’université de Pittsburgh, en Pennsylvanie, qui travaille aussi sur les greffes d’organes de cochons – ne voient pas forcément ces résultats comme une bonne nouvelle. M. Cooper craint que cela ne ralentisse le processus d’autorisation d’essais cliniques.
Les régulateurs de la Food and Drug Administration (FDA) américaine “risquent maintenant de demander que nous fassions cela [supprimer le PERV dans les cellules de cochons] alors même qu’il n’y a pas de preuve que ce soit nécessaire”, déplore-t-il.