Pourtant, ces revendications ont bien une vocation syndicale : le matraquage fiscal, le pouvoir d’achat, la justice sociale, l’arbitraire… Avec, en toile de fond, ce mal-être et ce refus, parfois confus ou inconscient, des obsessions macronistes : la fiction de « l’Europe, c’est la paix » – en fait, cache-sexe de l’ultralibéralisme -, l’euro qui nous vaut 1,5 million de chômeurs, le muselage de l’information, le reflux des libertés et l’interdiction de s’exprimer autrement que sous le manteau, le refus d’admettre les « bienfaits » de cette immigration-là que même Collomb a dénoncée… globalement, cette chape de plomb que le peuple ne supporte plus. C’est la politique macronienne qui est clairement rejetée. Vomie. Le dérapage des taxes sur le carburant n’est que le déclencheur.
Un vrai mouvement populaire, donc, comme les syndicats n’osent plus en rêver. Massif, suivi et bien accueilli par la population. Botter en touche avec, comme tout argument, « noyauté par les fachos », ça ne passe plus. Que n’ont-ils été à l’initiative ?
Ne pas rejoindre un mouvement clairement anti-système les enlise, eux, dans le système. Une vérité explose : les syndicats sont désormais du côté du conservatisme, et la rue du côté du progressisme. La « révolution » n’est plus chez eux. Ce n’est plus la même révolution qui gronde. En cause, leur naufrage politiquement correct et cette dérive déjà observée chez les partis politiques, la maçonnerie, hélas dans les Églises aussi : bureaucratisation et prima des intérêts personnels sur la défense du bien public. Pire, peut-être : faillite de la pensée et déni d’analyses objectives, de regarder le monde tel qu’il est. Incapacité d’accepter la France réelle, ses inquiétudes sociétales qui ne sont pas politiquement correctes, le mal de vivre de 80 % de nos compatriotes.
Les syndicats ont ainsi choisi de se placer en dehors du mouvement de l’Histoire. Ce n’étaient déjà que des ectoplasmes ne justifiant leurs prébendes que par le jeu du système. Maintenant, s’ils ne servent plus même au système… Ils étaient déjà ringardisés, quel avenir désormais pour eux ?
Corollaire, il va donc incomber aux forces progressistes, démocratiques et républicaines qui se trouvaient dans la rue d’inventer les voies nouvelles de la représentation des masses : vaste tâche, et défi authentique pour ceux qui voudraient vraiment « aller au bout ». Et puis concevoir les solutions sur la base d’une rupture clairement énoncée avec les pseudo-réformes actuelles.
L’appareil d’État sera à reconstituer. Mais, aujourd’hui, il faut donner une perspective politique, puisqu’il n’y en a pas de syndicale, un espoir à ces masses dont on a pu constater le rejet du monde politique dans son ensemble en ne faisant guère de nuances, et dont la naïveté, la diversité, la confusion et les contradictions, le manque aussi de conscience des enjeux et des suites, ouvrent ou compliquent la tâche.
Gérard Bailliet – Boulevard Volttaire