La « grosse presse » fait grand cas du dernier album des aventures de Lucky Luke, La Terre promise, signé Jul et Achdé. Dans cet album, qui marque le 70e anniversaire de la création de l’homme qui tire plus vite que son ombre, Lucky Luke convoie au Far West une famille de juifs ashkénazes arrivés de Pologne.
Un mot, d’abord, pour dire que, depuis 2004, ce brave cowboy qui doit tout à ses créateurs Morris et Goscinny a été largement salopé par des scénaristes pitoyables comme Laurent Gerra, Pennac et Benaquista, Jul et Achdé. Parce que, à la différence de Morris qui connaissait par cœur son Wild West, ils sont totalement étrangers à cet univers.
Lucky Luke n’est, hélas ! pas la seule victime de ces repreneurs politiquement corrects qui, au prétexte de « dépoussiérer » les héros de l’Age d’or de la BD, en défigurent les spécificités originelles. C’est le cas de Spirou (avec le lamentable Petit Spirou de Tome et Janry), d’Alix (avec l’album Alix Senator de Mangin et Démarez), de Ric Hochet (créée par Tibet et Duchâteau et kidnappé par David Vandermeulen), de Blake et Mortimer, etc. On ne se félicitera jamais assez que Hergé ait formellement interdit que l’on reprenne Tintin après sa disparition.
« Original », le dernier Lucky Luke ? Mon œil ! Ceux qui n’ont pas la mémoire courte, et d’abord les cinéphiles, n’ont pas oublié le film de Robert Aldrich en 1979, Un Rabbin au Far West (titre original : The Frisco Kid). Avec Gene Wilder et Harrison Ford notamment.
Le thème ? Exactement celui annoncé à grands coups de buccins par Jul et Achdé. En 1850 un rabbin polonais, Avram Belinski (Gene Wilder), débarque aux Etats-Unis avec mission d’aller fonder une synagogue à San Francisco. A Philadelphie, il rate le bateau pour la Californie et se fait dévaliser par trois malfrats. Il décide alors de traverser le continent et, pour ce faire, s’assure des services de Tommy (Harrison Ford), un cowboy pas vraiment honnête mais capable de faire face à tous les défis.
Au cours du voyage vers la terre promise, ils rencontreront des Indiens, des Mormons, des moines, des outlaws. Le film a été tourné dans les paysages somptueux de l’Arizona, du Colorado, de la Californie.
Sur un thème similaire donc – bonjour l’originalité ! – Jul et Achdé disent avoir voulu coller à notre actualité : « Dans une France un peu sclérosée, qui marche sur des œufs par rapport à ces questions, je me suis dit que cela ferait du bien de rire de cela. Il y a effectivement des résonances avec l’actualité dans cette histoire de migrants qui doivent s’adapter ». Pauvre Lucky Luke…
Alain Sanders – Présent