Il y a quelques jours, dans ces colonnes, Robert Ménard refusait d’accepter « qu’ils nous refassent le coup de Charlie une deuxième fois ». Le coup de Charlie, sans doute pas, mais le coup du « pas d’amalgame », en revanche, ils le reprennent en force. « Ils » ?
C’est Karim qui, à Barbès, s’inquiète de ce que « les premières victimes vont être les musulmans », sans un mot de compassion pour les morts. C’est à Étampes, où la prière d’une messe interculturelle enjoint à refuser « tout amalgame qui stigmatise ». C’est à la mosquée de Brest où, sur le portail, des citoyens lambda ont déposé des cœurs « pas d’amalgame ».
« Ils », c’est aussi Arte, pour qui les réfugiés sont « les victimes collatérales des attentats ». « Ils », c’est elle, l’Éducation nationale et sa ministre franco-marocaine, Najat Belkacem, enjoignant les professeurs à interroger leurs élèves sur « qu’est-ce-qu’un amalgame ? »</em. Mais, stupeur, le « pas d’amalgame » peut aussi survenir du côté où on s’y attend le moins.
À l’ère du « Nous sommes tous des êtres humains », les deux sœurs de Guillaume – assassiné rue de Charonne, ce vendredi, à Paris – et leurs compagnons se sont rendus à la mosquée de Cherbourg « pour montrer aux gens que nous, famille de victimes, nous ne voulons pas d’amalgame […] ».
Alors, on s’interroge. Parce que s’il serait évidemment imbécile et diffamatoire de rendre l’ensemble des musulmans responsables des actes terroristes commis depuis janvier sur notre sol, est-il logique – une heure après avoir appris la mort de leur frère – de se précipiter rassurer la communauté musulmane de leur ville quand aussi funeste nouvelle devrait, pour le moins, commander exactement l’inverse – être rassuré par cette dernière ? Leurs « amis musulmans sont très mal », expliquent Clémentine et Anaïs. Plus qu’elles ? Un retournement de situation proprement renversant, le résultat de la propagande pavlovienne « pas d’amalgame »…
Et si semblable comportement, illogique, incongru, trouvait sa source dans une peur qui ne se dit pas ? Ce ne sont pas les déclarations de Kamel Kabtane, le recteur de la mosquée de Lyon, qui nous rassureront : “L’islam est une religion universelle, ce n’est pas une secte, ce n’est pas seulement des messages de haine et de guerre comme ils sont diffusés par certains pays. »
Combien d’Anaïs, de Clémentine, de Charlie relèveront le lapsus ? Un « seulement » inclusif, plutôt qu’un « pas du tout » exclusif… Ou alors, on aurait mal compris ?