La mode, on le sait, est aux protéines « exotiques » pour éloigner, demain, le spectre de la faim dans le monde. Mais entre les bobos qui s’encanaillent à l’heure de l’apéritif avec des chips de sauterelle ou des brochettes de mygale et les asticots dans la viande avariée, il y a un pas éthique, esthétique et sanitaire que nous aimerions ne pas avoir à franchir.
Pourtant, il semble que certains n’hésitent pas à nous mettre au régime des asticots à notre insu. C’est ce que révèle un certain Pierre Hinard, ingénieur agronome, dans un livre à vomir paru ce jeudi : Omerta sur la viande, un témoin parle (Grasset). Et ce qu’il dit pue fortement. Il dit même que ça dégouline et que ça colle ; quant à la couleur…
En 2006, Pierre Hinard est embauché comme « contrôleur qualité » chez Castel Viandes, grande entreprise de transformation – c’est le cas de le dire – en Loire-Atlantique. Gros bras de l’agro-alimentaire, Castel Viandes est le fournisseur des chaînes de fast-food et des fabricants de plats tout préparés. Des gens, dit l’auteur, qui n’ont aucun scrupule « à faire bouffer de la merde aux consommateurs ». Du moment que ça fait du pognon, tout est bon : les bêtes nourries à n’importe quoi, la viande congelée et décongelée sans aucun respect de la chaîne du froid, les carcasses qui doivent finir à la benne recyclées en steaks hachés, l’absence de traçabilité, la fraude à l’étiquetage, les asticots pour fourrer les lasagnes et… les services d’hygiène qui ferment les yeux. Parce que le boucher de l’horreur est un gros employeur, et parce qu’au-dessus de la viande avariée plane le spectre du chômage.
Le responsable ? Une corruption à tous les échelons, confie Pierre Hinard aux médias. « Tous ferment les yeux pourvu qu’ils achètent leur viande au prix le plus bas. » « On vous fait passer des vaches laitières, usées jusqu’à la corde et qui ne sont pas des races à viande, et du cheval pour du bœuf de qualité supérieure ! », dit-il à 20 Minutes. L’ingénieur a été viré pour avoir alerté les services vétérinaires à propos d’un lot de viande impropre à la consommation. Un acte suicidaire, à l’en croire : « Dans mon cas, sur les douze agents vétérinaires qui étaient affectés dans mon abattoir, seuls deux ont accepté de témoigner des horreurs qu’ils ont vues devant la justice et ils ont été placardisés. Les autres, complaisants, ont bénéficié de promotions. »
À quand le prochain scandale sanitaire d’envergure ? Jamais, si nous sommes vigilants. Surtout si nous arrêtons de remplir les poches de tous ces margoulins. La solution, dit l’ingénieur agronome retourné à ses amours (des vaches salers nourries à l’herbe bio), c’est le circuit court. Acheter moins mais mieux, et surtout éviter les chaînes qui multiplient les intermédiaires douteux. On a envie de le croire.
Et puis si vous voulez maigrir, lisez Omerta sur la viande à l’heure des repas : plus efficace qu’un coupe-faim, c’est un régime qui ne vous coûtera que le prix d’un livre.