Mindar, un robot-prêtre, est en service à Kyoto, au Japon, dans un temple bouddhiste. À ce jour, il répète des sermons et des prières, mais il devrait pouvoir ultérieurement bénéficier d’une intelligence artificielle qui lui permettra de conseiller les fidèles et de participer à des rites. D’autres expériences ont vu le jour, en Chine ou dans un temple protestant allemand de Wittenberg, où un robot bénit des gens et lit des passages de la Bible. Wittenberg, vous savez, l’endroit où furent placardées les 95 thèses de Martin Luther qui initièrent la Réforme en 1518. Est-ce un hasard ?
Dans une bande dessinée « culte » de Bilal et Dionnet, Exterminateur 17, un androïde conçu et réalisé en utilisant des organes humains débat et argumente avec le grand maître d’une secte de néo-manichéens présumés gnostiques : les androïdes sont-ils le mal incarné, matière née de la matière, ou bien sont-ils nés de l’esprit de l’homme ? Il y a un beau problème à poser à ces cathares 2.0 : une intelligence artificielle est-elle fondamentalement liée à la matière, et donc mauvaise, ou est-elle pur esprit, et donc bonne ?
Et chez les catholiques ? Le progressiste béat dira « Quelle aubaine ! » D’abord, les déserts ecclésiaux que nous connaissons dans nos campagnes pourraient se repeupler… chaque petite paroisse perdue bénéficierait d’une messe avec un robot-prêtre : finies les assemblées dominicales en absence de prêtre, ou le néant qui désole. Et puis, avec un robot-prêtre, plus de querelle sur la liturgie ! Il sera capable de dire une messe saint Pie V en latin ad orientem, puis de réitérer face au peuple et en langue française. Une fois la mécanique bien réglée, il saura bénir, manier l’encensoir, présenter l’Eucharistie d’un geste harmonieux et recueilli. Il aura le bon goût d’éviter toute innovation liturgique qui serait contraire au canon. Il devrait être capable, son intelligence artificielle s’éduquant à chaque confession, d’adapter le quantum des pénitences au plus fin pour éviter si c’est possible la récidive. Même s’il doit donner le sacrement des malades en urgence en pleine nuit, ses capacités ne seront pas diminuées par la fatigue le lendemain. Les catéchèses qu’il dispensera, les sermons qu’il prononcera (brefs, pour se conformer aux injonctions papales) seront d’une absolue conformité aux enseignements et dogmes en vigueur et tiendront compte tant des dernières encycliques que des plus récentes avancées éducatives. Que des avantages !
Halte-là !
Un prêtre, c’est un médiateur entre des hommes et Dieu. Ou un dieu, dans les cultes polythéistes. Il est là pour célébrer les rites, enseigner les « mythes » et aider et soutenir les fidèles dans leur relation à Dieu/dieu. Si ce prêtre est remplacé par une combinaison d’algorithmes logés dans un robot anthropomorphe, que devient Dieu ? Nous le remplaçons par une construction humaine, un Dieu projeté, résultant d’heures de conception, de programmation, de tests, de débogage et d’auto-apprentissage. L’homme et son génie tentent d’évincer Dieu. C’est la même histoire que dans l’Eden ou dans la philosophie des Lumières, c’est l’homme auto-référent, l’orgueil qui précède en général la chute. Mais c’est une idolâtrie manifeste, et ce cyber-prêtre ne servira qu’un culte de l’homme.
Les chrétiens ont cette particularité : ils sont persuadés que Dieu s’est incarné en la personne de son fils Jésus. Jésus qui est ainsi devenu le prêtre par excellence, le médiateur indispensable. Les prêtres de Jésus, avec leurs qualités et leurs défauts et limites, tentent eux aussi de jouer ce rôle de médiateur. Ils ne comprennent pas tout, ni à Dieu et ses mystères, ni à nos situations d’hommes charnels et spirituels. Ils font de leur mieux, avec courage devant l’immensité de la tâche. Mais, surtout, ils sont des pêcheurs, comme moi, comme vous. Et je crois que s’ils ne l’étaient pas, jamais ils ne pourraient témoigner de l’immense amour de Dieu qui n’a pas hésité à prendre notre condition d’homme pour sous sauver. Notre condition d’homme, pas de transhumain.
Rémy Mahoudeaux – Boulevard Voltaire