À la fin de sa vie, comme beaucoup d’écrivains, René Barjavel a rédigé ses souvenirs. L’exercice est périlleux, tout romancier ne se transforme pas ipso facto en fin mémorialiste.
C’est un coup de maître et le lecteur trouve dans ce petit livre grâce et émotion. D’une écriture simple mais parfaitement maîtrisée, l’auteur nous emmène en Provence dans son village natal.
De la boulangerie paternelle au lycée dans lequel il put aller grâce à l’attention d’un professeur dévoué, nous partageons la destinée de ce petit monde disparu. Nous ne sommes pas dans Le Premier Homme de Camus (magnifique roman posthume) : chacun mange à sa faim. Ce sont des familles humbles mais non misérables.
Au-delà du charme de cette vie quotidienne si bien racontée, Barjavel nous offre de beaux sujets de méditations : « Pour les Français de cette génération, les Français humbles, les Français qui travaillaient durement sur leur terre ou à leur établis, le mot France pouvait être un lumineux compliment. La France pourtant ne leur donnait rien, ni retraite, ni sécurité, sociale ou non, ni allocations, ni indemnisations. Mais elle était la France. Etre Français n’était pas une vanité idiote ou une revendication hargneuse. C’était une attitude et une chaleur. Mon grand-père, ma mère, ma tante étaient des Français de cette France là. »
Comme dans tous les villages de France, le petit René vit partir ses aînés en 1914 et bien sûr, beaucoup ne revinrent pas. Barjavel en tire une leçon implacable : « La guerre de 14 a tué ce qu’il y avait de mieux dans la race française, la fleur de la paysannerie, les plus beaux fruits de la terre, les hommes les plus utiles, les plus solides, les plus courageux, ceux dont serait naturellement issue, comme toujours, l’élite de toutes les catégories sociales. Ce fut une plaie terrible. »
Partagez avec l’auteur de La Nuit des temps ces souvenirs si tendres et si profonds.