« Je ne vois pas pourquoi je cesserais d’être de mon village. Il a changé. Je l’ai quitté. J’ai vieilli mais je le porte toujours en moi et je serais bien sot de me dire d’ailleurs pour en tirer vanité. » Ce sont ces mots de Pierre Gaxotte dans son magnifique ouvrage Mon village et moi qui nous reviennent à la lecture du récit du lorrain Kévin Goeuriot, qui, comme son ainé, se replonge avec nostalgie dans ses anecdotes d’un enfant de Lorraine.
Ce sont toujours des moments de retour sur sa propre jeunesse que ces recueils de souvenirs. L’on songe aux choses vécues, aux choses reçues, à ce que l’on a su transmettre et ce que l’on a laissé de côté. Bref, un temps de réflexion ou de spleen c’est selon. Mais aussi un temps de mise en perspective indispensable entre d’où nous venons et ce vers quoi nous allons.
Monsieur Goeuriot est un jeune professeur enthousiaste qui a gardé son cœur d’enfant et sait récolter la saveur de sa jeunesse en campagne pour la déguster encore quelques vingt ans plus tard.
Elle a la saveur de la mirabelle, bien entendu ! Fruit qui fait croire au Bon Dieu, que l’on cueille le 15 août et que tous ceux qui ne sont point d’cheu’nous confondent bêtement avec des prunes.
Anecdotes plaisantes de la vie rurale, de la saignée du cochon au pèlerinage paroissial, de la pêche à l’hirondelle au casse-croute à l’omelette, il nous mène dans ses chemins creux. « Si une poignée d’anecdotes, d’expressions patoisantes, de mots colorés et de situations pittoresques suffisent à faire revivre un parfum presque oublié, alors nous avons atteint notre but. Celui aussi d’expliquer aux plus jeunes quelles joies simples la vie peut parfois réserver. Et celui, enfin de pousser ces derniers à questionner les premiers. »
Un beau programme. Il a raison ce wouéré de M. Goeuriot, ce ne sont pas uniquement aux professeurs de transmettre. C’est à chacun, riche de son passé et des enseignements qu’il en a tiré. Pour peu qu’on ait pris le temps d’y réfléchir et de l’observer. Ca va mieux en le disant, ça va mieux en le lisant ! Et au-delà, encourageons nos anciens dans l’écriture de leurs souvenirs. Matière première passionnante de l’histoire et des traditions.
A l’occasion de son entrée à l’éducation nationale (dont il estime avec humour « que c’est un peu comme être présenté à sa belle-famille ») l’auteur se trouve pris du Heimweh lors d’un échange avec un enfant de son pays. Le Heimweh, le mal du pays tant spatial que temporel fut défini au XVIème siècle par Johannes Hoffer nous apprend-t-il.
« N’oublie jamais, quoique la vie puisse te réserver, d’emprunter fréquemment, dans un sens comme dans l’autre, le chemin dérobé qui ramène à l’enfance. »
Je vous quitte, je pars remonter le chemin du laitier de mon village avant la rapine aux dernières mirabelles sur les proches coteaux.
Sigisbert Clément – Présent
Kévin Goeuriot, Le temps des mirabelles, Editions des Paraiges, 2016.