Les défenseurs du patrimoine se souviennent de la folie dévastatrice qui s’empara de Nicolas Ceaucescu quand le tremblement de terre meurtrier de 1977 dans son pays mit à terre un grand nombre de bâtiments, notamment à Bucarest, et fit des dizaines de milliers de morts. Une catastrophe naturelle qui lui donna l’idée de faire table rase de tout le passé de cette ville et de détruire ainsi l’équivalent de quatre arrondissements parisiens pour construire son pharaonique palais. On connaît la suite… On n’en est certes pas là en France, encore que le vandalisme architectural fasse partie des mœurs de nos responsables politiques. N’oublions pas les destructions révolutionnaires et celles – plus récentes – de la Ve République gaullo-pompidolienne qui ont mis à mal une bonne partie du patrimoine parisien lors de la construction, par exemple, du Centre Pompidou, et dont on peut retrouver l’évocation dans l’irremplaçable Histoire du Vandalisme de Louis Réaux qui mériterait une indispensable mise à jour.
Un infâme décret
Et Ségolène Royal, me direz-vous, que vient-elle faire dans cette galère et pourquoi associer son nom à toute cette série de sacrilèges architecturaux ? Parce qu’elle a entériné un décret, tout bêtement issu de la loi sur la transition énergétique, qui met en péril, et pour longtemps, notre patrimoine.
Dans son article 14 première version, la loi tenait pourtant compte de la nécessité de protéger les bâtiments anciens des opérations d’isolation thermique par l’extérieur et promettait de tenir compte des spécificités du bâti existant. Des précautions envolées dans le nouveau décret revu et corrigé par les parlementaires et par certains lobbies du BTP qui ont promis de limiter la facture énergétique… en augmentant la leur, selon le vieux principe des vases communicants. Mère par ailleurs des rejetons de François Hollande (en commençant par la jeune Flora dont les vacances en Corse, aux frais de la Préfecture, ont le mois dernier défrayé la chronique), la madone de l’écologie a tout simplement cédé aux lobbies en rendant obligatoire l’isolation, par l’extérieur, des bâtiments anciens, quelles que soient leurs spécificités.
Une bénédiction pour le BTP
Avec ce nouveau décret, on devra se contenter d’un horrible crépi et dire adieu aux colombages ou autres façades sculptées, comme il en existe des centaines à Paris. Et quid des immeubles de briques du sud de la France ou des maisons typiques de Bourgogne ou de Franche-Comté qui perdront leur âme tout simplement parce que les bétonneurs et les écolos ont décidé, au détour d’un couloir de l’Assemblée, de faire alliance pour le plus grand profit financier des uns, moral des autres ?
En clair, à partir du 1er janvier 2017, tout propriétaire ou tout syndic de copropriété qui entreprendra des travaux de ravalement et de toiture importants dans les 20 millions de logements mal isolés, devra passer sous les fourches caudines de ce maudit décret et réaliser ces fameux travaux d’isolation thermique. Un décret qui exclut d’ailleurs le recours à toute autre forme d’isolation, en particulier l’isolation par l’intérieur, plus respectueuse de l’architecture mais qui a l’inconvénient aux yeux des promoteurs, de réduire la surface habitable et donc le profit qui va avec.
On murmure ainsi que des professionnels du BTP ont déposé des permis de construire afin d’équiper de vénérables immeubles de nouvelles façades isolantes agrémentées de moulures en polystyrène imitant la pierre et le plâtre ! Silence, pour l’instant, des membres de la Commission du Vieux Paris. Et que se passera-t-il en cas d’incendie ? Mystère et boule de gomme.
La riposte des associations
En collaboration avec d’autres associations, la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEP) a attaqué le décret en envoyant le 27 juillet dernier un recours gracieux au Premier ministre. Ses responsables souhaitent également que les bâtiments datant d’avant 1948 soient exclus de cette obligation de d’isolation par l’extérieur. Plus grave, comme le souligne d’ailleurs le président de la Sppep, est le recours forcé à des travaux, ce qui est rarissime dans le droit français.
Seuls les monuments historiques et les bâtiments situés à proximité échapperont à cette contrainte qui rappelle les pires époques des dictatures communistes. Audrey Azoulay s’est transformée en muet du sérail, ne songeant même pas à se préoccuper du sort de ces millions de maisons, églises et autres édifices, qui dès l’application du décret, deviendront la proie des professionnels du bâtiment et transformeront notre vieux pays de France en lieu anonyme et sans âme que les touristes bouderont encore davantage.
Francoise Monestier – Présent