En 1587, au Japon, le shogun Hideyoshi Toyotomi ordonne l’expulsion des pères jésuites missionnaires. Alors que de nombreux daimyo – les seigneurs féodaux japonais – font allégeance au sh–ogun et du même coup abjurent le catholicisme, l’un d’eux, Justo Ukon Takayama refuse de renoncer à sa foi. Après la mort de Hiyedoshi, trois édits antichrétiens confirment que le grand roi Ieyasu est également contre cette nouvelle religion.
Entre roman historique et méditation, Otohiko Kaga mêle fidélité d’historien et mise en scène de personnages de l’époque pour nous faire revivre les débuts du christianisme au Japon durant la seconde moitié du XVIe siècle.
Suivons ce samouraï chrétien des premiers temps, bientôt béatifié par le pape François, qui contre vents et marées a combattu pour sa foi jusqu’à l’exil.
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Le 29 juillet dernier, la Conférence des évêques catholiques du Japon a publié un livret de 46 pages intitulé : « Itinéraire de prière en s’accompagnant de Ukon. En prévision de la cérémonie de béatification de Justo Ukon Takayama, huit jours de méditation. » Le livret s’inscrit dans la préparation de la cérémonie de béatification de Justo Takayama Ukon, un daimyo et laïc chrétien, qui doit avoir lieu le 7 février prochain à Osaka.
Cette préparation se veut à la fois spirituelle – c’est l’objet de l’itinéraire de prière – et économique – avec l’organisation d’une collecte pour couvrir les frais de la cérémonie qui doit avoir lieu dans le cadre prestigieux du grand hall du château d’Osaka. Le Premier ministre Abe Shinzo a officiellement invité le pape François mais, selon les informations disponibles au Vatican, aucun voyage à l’étranger n’a été inscrit officiellement à l’agenda du pape pour 2017.
Le décret de béatification comme martyr du « Serviteur de Dieu » Justo Ukon a été signé par le pape François le 21 janvier 2016. Une signature particulièrement attendue par l’Eglise du Japon. Le 7 février prochain, Justo Ukon deviendra le premier martyr du Japon béatifié lors d’une cérémonie à lui seul dédié. Jusqu’alors les martyrs japonais ont en effet été reconnus en groupe : les 26 martyrs de Nagasaki mis à mort le 5 février 1597 et canonisés en 1862 ; 205 autres martyrs, morts entre 1617 et 1632 et béatifiés par Pie IX en 1867 ; et les 188 martyrs morts entre 1603 et 1639 et béatifiés par Jean-Paul II le 20 novembre 2008.
Pour les évêques japonais, la mise en avant de la personne de Justo Ukon (1552-1615) s’explique et se justifie par le caractère « exemplaire » de la vie de ce seigneur féodal qui a renoncé à tout pour rester fidèle à sa foi. Les évêques expliquent en quoi sa vie a valeur d’exemple pour les croyants d’aujourd’hui : « Justo faisait partie de ces seigneurs féodaux de la fin des royaumes combattants qui vivaient pour obtenir prospérité, pouvoir et gloire. La découverte de la foi chrétienne lui permet de comprendre la vanité de cette course au pouvoir et où se trouve le véritable bonheur de l’homme. Sa vie n’a été qu’une succession d’épreuves qui lui ont fait perdre position et honneurs pour mener une vie errante et aboutir à l’exil. C’est le bonheur d’être aimé de Dieu seul qui lui a permis de survivre, mettant en Dieu sa foi. »
Les évêques poursuivent en ces termes : « A l’époque contemporaine, régie par une échelle de valeurs relatives, il est difficile de vivre en allant jusqu’au bout de ses convictions. En cette période où il est possible de choisir des façons de vivre très variées, où on répartit les gens entre ceux qui ont talents, connaissances, efficacité, rendement ou des résultats, et ceux qui n’en ont pas, Ukon croit que le salut dépend de la foi en l’évangile de Jésus Christ. »
« Depuis l’époque où a vécu Ukon et maintenant encore quatre cent ans plus tard, on constate que l’Eglise du Japon est toujours marquée des stigmates du christianisme occidental. Les ouvrages qui traitent de la foi chrétienne, autant dans leur contenu que leurs expressions ou leurs explications, ne touchent guère la corde sensible du cœur des Japonais. Elle n’est toujours par parvenue à se faire à la société du Japon », précise encore le livret de la commission préparatoire du dossier de béatification.
Or, Justo Ukon était un homme de culture, qui a pratiqué l’art du thé, la calligraphie, les langues étrangères et s’est efforcé de fusionner la culture de son pays avec le christianisme. Pour les catholiques du Japon, il est donc un exemple afin d’implanter en terre japonaise les racines de la foi chrétienne, veulent croire les évêques japonais, eux qui sont à la tête d’une Eglise qui réunit un petit 1 % de la population.
Avec cet « Itinéraire de prière et de méditation en s’accompagnant de Justo Ukon », les croyants du Japon d’aujourd’hui, s’ils ne risquent pas leur vie à cause de leur foi comme au temps des persécutions de la fin du XVIe siècle, sont invités à méditer sur les événements de la vie du « serviteur de Dieu ».
L’itinéraire se répartit en huit journées, chacune centrée sur un thème. Le livret précise la démarche proposée : « 1.) A partir de documents historiques, on découvre comment Dieu a agi dans la vie de Ukon, les progrès qu’il a réalisés dans la foi et le témoignage qu’il a donné. 2.) A partir de la grâce de Dieu, de la foi et la spiritualité de son temps qui ont formé Ukon, quelles sont les réflexions et les questions qu’elles nous posent et comment elles éclairent chacun d’entre nous et l’Eglise d’aujourd’hui. 3.) On s’inspire de la foi et du témoignage de Ukon pour décider les objectifs concrets de notre vie. Puis, on prie pour l’Eglise du Japon par l’intermédiaire des martyrs qui ont été béatifiés et reconnus saints par l’Eglise. »
Premier jour : mystère de la rencontre.
Ukon a été baptisé à 12 ans par Frère Lorenzo, religieux japonais qui avait été lui-même converti par le« Padre Zabieru », saint François Xavier (1502-1556), le premier évangélisateur du Japon. Ainsi la foi se découvre à la suite d’une rencontre de quelqu’un de vivant en qui vit Jésus. Cette rencontre de Jésus vivant est la bonne nouvelle qui bouleverse la vie de François Xavier, puis celle de Lorenzo puis celle de Ukon. Ainsi de la nôtre : par qui ai-je découvert la foi ? Qu’a-t-elle changé dans ma vie ?
Deuxième jour : mystère de la souffrance.
Le rappel des nombreuses épreuves que Ukon a affrontées et le cheminement qu’il a suivi en gardant les yeux fixés sur la Croix de Jésus pour les surmonter demeure une référence pour chacun. Comment ai-je surmonté celles qui me sont advenues et comment la foi chrétienne m’a-t-elle aidé ?
Troisième jour : mystère de la résurrection.
La naissance de l’église du Christ se réalise après la résurrection. Pour Ukon, tous les endroits où il est envoyé en exil, dépouillé de tout, sont des terres de mission où il suscite la naissance d’une petite communauté chrétienne. Les épreuves surmontées grâce à la croix deviennent autant de graines fertiles de nouvelles conversions.
Quatrième jour : vie et prière.
Les trois mystères des premiers jours reliés entre eux par une prière intense conduisent aux trois tâches indissociables de la vie courante de Ukon et du chrétien : transmettre, servir et intercéder.
Cinquième jour : la tâche de transmettre.
La suite de Jésus pousse Ukon là où il passe à annoncer la bonne nouvelle, l’Evangile.
Sixième jour : la tâche de servir.
C’est la mise en œuvre concrète du « cœur prévenant, aimant » (gotaisetsu), dans la vie de tous les jours que Ukon a réalisé dans toute son activité.
Septième jour : la tâche de la prière d’intercession.
Elle accompagne toute la vie du chrétien.
Huitième jour : témoin du Christ.`
Homme de prière, le chrétien qui dans les engagements de sa vie, fait rayonner le visage de miséricorde de Jésus, devient peu à peu un témoin façonné par l’Esprit Saint comme Ukon l’a été.
Lu sur Riposte catholique