La schizophrénie, cette maladie mentale qui se caractérise notamment par des hallucinations auditives, toucherait 50 millions de personnes à travers le monde. Mais, note un intéressant article de Slate, tous les schizophrènes ne se ressemblent pas! Ainsi, d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre, les troubles rencontrés par les personnes touchées diffèrent énormément.
Citant une récente étude de l’université de Stanford publiée dans le “British Journal of Psychiatry”, Slate rapporte que les hallucinations auditives des sujets américains n’ont rien à voir avec celles des sujets Ghanéens ou Indiens. Pour arriver à cette conclusion, l’anthropologue Tanya Luhrmann et ses collègues chercheurs à Stanford ont interrogé soixante schizophrènes.
Résultat, résume Slate, une tendance se dégage: quand les Américains sont victimes de “voix menaçantes et agressives qui leur ordonnent parfois de commettre des actes violents”, les Indiens perçoivent “des voix familières”. Celles-ci leur demandent souvent de… faire le ménage! Sur le site officiel de l’université de Stanford, Mme Luhrmann ajoute que ces voix indiennes imitent “le ton d’une personne plus âgée qui conseillerait un plus jeune”. Quant au Ghanéens, c’est Dieu en personne qui s’adresse majoritairement à eux.
Autre fait marquant: les voix américaines sont autant de “bombardements”, alors que les voix indiennes ou ghanéennes ne sont pas perçues par les malades comme des menaces. Au contraire, elles sont “plutôt positive[s]”. Pour les schizophrènes indiens, ces hallucinations auditives ressemblent aussi à des “manifestation[s] d’esprits magiques […] amusantes”.
Contexte culturel
Selon Tanya Luhrmann, l’explication se trouverait en partie dans le contexte culturel. “Je pense que ces différences sont liées au fait que dans une société où nos pensées sont quelque chose de très privé et où les esprits ne parlent pas, les gens se sentent plus agressés lorsqu’ils entendent ces voix”, analysait-elle en 2013 dans les colonnes du New York Times.
Dès lors, la schizophrénie ne rendrait pas d’office les malades violents. Au contraire, pour les chercheurs de Stanford, cette violence proviendrait plutôt de “la façon dont la culture américaine a façonné les symptômes de la maladie”. Le tout étant exacerbé dans une société individualiste qui diffère des sociétés indienne ou ghanéenne où prévalent la communauté et l’interdépendance entre les individus.
De la lutte contre les voix… à la négociation
Enfin, cette étude porte un nouveau regard sur le traitement de la maladie en Occident. L’expérience des schizophrènes indiens et ghanéens montre que faire taire les voix à tout prix n’est pas la meilleure solution. A l’ingestion de médicaments, censés atténuer la douleur mentale, mieux vaudrait peut-être préférer une approche plus directe avec les voix imaginaires.
Dans le New York Times, Tanya Luhrmann cite par exemple le mouvement “Hearing Voices” qui encourage les malades à identifier les voix pour apprendre à mieux les connaître et ensuite “pour négocier avec elles”. Une approche qui diffère totalement de celle favorisée par la psychiatrie américaine selon laquelle “donner des significations à ces voix encouragent ceux qui les entendent à leur donner plus d’autorité et à suivre les ordres qu’elles donnent”.