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En 1981, Daniel Vigne réalise «Le Retour de Martin Guerre» avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye. L’histoire est tirée d’un fait divers français datant du XVIe siècle. Mais personne ne se doute de la mise en abyme qui va alors se produire sur le plateau de tournage.
La première affaire se passe en Ariège, dans les années 1550. Après douze ans d’exil volontaire, Martin Guerre réapparaît dans son ancien village, Artigat. Il se souvient de tout: des habitants, de sa famille, et bien sûr de sa femme, Bertrande. Non content de la retrouver, il lui fait même deux autres enfants, deux filles. Mais lorsqu’il se met à réclamer l’héritage de son père, mort durant son absence, son oncle Pierre commence à douter de sa réelle identité.
L’affaire, jugée à Toulouse en 1560, connaîtra au tribunal un rebondissement de dernière minute avec l’entrée tonitruante du véritable Martin Guerre, passablement énervé et désormais amputé d’une jambe.
L’usurpateur, Arnaud du Tilh, avouera avoir pris sa place après l’avoir croisé sur sa route. Il aurait recueilli, à cette occasion, les vieux souvenirs de Martin Guerre. Sa mémoire et la ressemblance physique ont fait le reste.
A l’époque, on ne badine pas avec les sosies: Du Tilh mourra pendu et brûlé en place publique.
Quatre siècles plus tard, le film Le Retour de Martin Guerre –co-écrit avec l’historienne et spécialiste du fait divers Natalie Zemon Davis– remporte le César du meilleur scénario.
Au générique s’inscrivent les noms de Gérard Depardieu (dans le rôle du faux Martin Guerre) et de Nathalie Baye (dans celui de Bertrande). Le tournage a lieu en Ariège et dans les Pyrénées-Orientales, entre Saint-Girons et Perpignan.
A cette période, Dominique Besnehard n’est pas encore l’agent de stars que l’on connaît, mais son intelligence du milieu lui permet, depuis quelques années, d’être déjà l’un des meilleurs directeurs de castings pour enfants.
Dans son livre Les Enfants du cinéma (éd. Livre de Poche), François-Guillaume Lorrain l’interviewe sur son métier de l’époque et lui demande s’il a des regrets:
«Je parlerais plutôt d’une honte. C’était en 1981 […] avec l’enfant qui jouait le fils de Nathalie Baye et de Gérard Depardieu. […] Quelques jours avant la fin du tournage, alors que je cherchais des figurants, j’ai remarqué un type blond, magnifique, et je l’ai engagé. Il s’appelait Didier Gentil. Il s’est tout de suite bien entendu avec le gosse, ils sont même devenus inséparables. On avait encore quelques jours à faire à Perpignan, le type nous a accompagnés. […] Mais un soir, alors que je revenais du restaurant avec Natalie Baye et Depardieu, je trouve le gamin en larmes, avec des traces de coups sur le visage. La panique. Je lui ai demandé s’il avait été abusé, il m’a assuré que non. J’étais très embêté par rapport aux parents que j’ai appelés. Nous avons pris ensemble la décision de ne pas porter plainte, même si le type était parti en nous volant aussi pas mal d’objets. Le lendemain, le gosse tournait et il avait un gros cocard sur l’œil: j’ai préféré dire au réalisateur qu’il était tombé dans l’escalier.»
L’homme poursuit: «Malheureusement, l’histoire ne s’arrête pas là. Des années plus tard, j’ai été contacté par la police de Marseille. Mon nom leur avait été donné par Didier Gentil, qui avait été arrêté en 1988 pour le meurtre de Céline Jourdan, une petite fille tuée dans les Hautes-Alpes. […] Dans sa déposition, il avait déclaré que le seul moment heureux de sa vie avait été ces quelques jours passés sur le tournage de Martin Guerre. Toute ma vie, je me suis posé la question: et si nous avions porté plainte?»
Le procès de l’ancien figurant connaîtra un coup de théâtre tout aussi retentissant que celui de l’imposteur Arnaud du Tilh: alors qu’il accusait jusque-là un pauvre hère, Richard Roman, du meurtre de Céline Jourdan, il reviendra sur ses déclarations et lui demandera pardon face aux juges de la Cour d’assises.
Didier Gentil fut condamné en 1992 à la perpétuité, avec 28 ans de sûreté.