Albert Pel, assassin méconnu!

On le présente parfois comme l’ancêtre de Landru. Quand il fut jugé aux assises en 1885, la presse le surnommait « l’horloger de Montreuil ». Albert Pel avait alors 36 ans. Cet homme au long nez et au visage de fouine, intelligent et beau parleur, est soupçonné d’avoir tué quatre femmes et d’avoir tenté d’en empoisonner trois autres.

Du corps de la malheureuse rentière âgée d’une quarantaine d’années, on ne retrouva rien. Tout indique qu’il fut découpé et brûlé dans le fourneau de la maison de la rue de l’Eglise, à Montreuil, où Pel et elle avaient emménagé quelques semaines plus tôt en juillet 1884. C’est d’ailleurs l’odeur épouvantable que s’échappait de la cheminée de l’horloger qui avait alerté le voisinage. D’autant que plus personne n’avait revu Elisa depuis qu’elle était sortie dans le jardin, dix jours auparavant, se tordant de douleurs. Après la fumée puante, c’est une odeur de chlore qui se répandit dans tout le quartier. La police vint arrêter Albert Pel qui nia tout en bloc. Il assurait qu’Elisa était partie d’elle-même. L’examen des cendres du fourneau montra pourtant bien qu’il s’agissait de déchets organiques et non pas végétaux, et l’on récupéra une scie tâchée de sang, une hachette et un couteau couverts de traces suspectes. Un peu plus tard, on exhuma le corps de sa première épouse, morte deux mois seulement après les noces en lui laissant 4 000 F or. Il était plein d’arsenic.

Albert Pel tua des femmes pour en tirer profit. Sa première victime présumée fut sa mère. Il était venu la rejoindre rue de Charonne, à Montreuil. Il avait alors 20 ans. Elle tenait une boutique d’articles religieux à Paris, il entama une formation d’horloger, le métier de son père resté en Savoie. Bientôt il eut son magasin, payé par sa mère.

Un jour, sa mère souffre de maux de ventre, elle meurt. Il ne la pleure pas mais fouille partout pour récupérer ses économies. Il dilapide son héritage. Il s’invente des diplômes et des professions : professeur de mathématiques, régisseur, organiste, mécène, médecin… Il se passionne pour les produits toxiques et vénéneux qu’il manipule dans ses différentes habitations. En 1879, il emménage dans un pavillon rue des Ternes à Paris avec sa maîtresse, Eugénie, de dix ans son aînée, et une bonne, Marie. Deux mois après, les deux femmes tombent malades. Diarrhées, vomissements… Albert — qui se fait alors passer pour un docteur — prétend les soigner. La bonne finit par se rendre à l’hôpital. Une fois guérie, elle revient demander des nouvelles d’Eugénie. « Elle m’a quittée », lui répond Albert. Plus tard, la concierge venue faire le ménage découvre des traces de sang dans toutes les pièces. Mais l’enquête ouverte alors se termine par un non-lieu.

En 1880, il épouse une jeune femme qui travaille dans un magasin d’alimentation, une Eugénie encore. Celle-ci meurt très vite et le mari récupère la dot et les bijoux. Moins d’un an plus tard, il se marie de nouveau avec une jeune Angèle. Il s’installe dans sa nouvelle maison à Nanterre, avec sa femme et sa belle-mère à qui il réussit à faire modifier son testament. Mère et fille tombent malades. La belle-mère s’en va de la maison et se rétablit. Sa fille en réchappe aussi. C’est elle qui quittera Albert, lassé de ses infidélités. Peu après l’homme se retrouve à Montreuil, avec Elisa qui finit en cendres dans son fourneau.

Albert Pel fut d’abord condamné à mort. Rejugé après un vice de forme, il obtint les circonstances atténuantes et fut envoyé au bagne de Nouvelle-Calédonie. Il y mourut en 1924, à près de 75 ans, sans avoir cessé de clamer son innocence.

Source

Related Articles