Excellent : c’est le premier mot qui nous vient à l’esprit pour qualifier l’ouvrage qu’a récemment consacré Edmond Dziembowski à ce conflit majeur, et pourtant quelque peu boudé par l’historiographie française, qu’est la guerre de Sept Ans. Fruit de longues années de labeur cette étude magistrale, particulièrement bien documentée et remarquablement écrite, fera date et, à coup sûr, restera une référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire militaire comme à celle de l’époque moderne.
L’œuvre d’un virtuose
Rappelons d’abord que le professeur Dziembowski, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la France et de la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, déjà auteur chez Perrin de Les Pitt. L’Angleterre face à la France, 1708-1806, enseigne l’histoire moderne à l’université de Franche-Comté. Ce livre est donc l’œuvre d’un universitaire, et cela se sent tout de suite. Ici, pas d’approximations, pas d’extrapolations, ni d’interprétations farfelues. Rigueur, précision et impartialité sont au contraire les maîtres-mots de cet ouvrage. Et cela fait du bien, en ces temps où le marché du livre d’histoire est submergé par nombre de publications ineptes. Il n’est qu’à consulter les nombreuses notes en annexe comme la bibliographie particulièrement étoffée de ce livre pour comprendre qu’Edmond Dziembowski a passé des heures aux archives et dans les bibliothèques pour réaliser ce travail impressionnant. Une somme qui pourrait rebuter les profanes, si l’auteur n’était pas doué d’un réel talent littéraire qui encourage le lecteur à dévorer ces 700 pages passionnantes.
La véritable « première guerre mondiale »
Ainsi, se plonge-t-on sans réserve dans le grand récit de ce qu’Edmond Dziembowski décrit, à l’instar de Churchill, comme la véritable « première guerre mondiale » de l’Histoire. D’abord par son ampleur : nées de la rivalité franco-britannique en Nouvelle-France, les hostilités s’étendront en effet rapidement à l’Europe, puis au reste du monde par l’intermédiaire des colonies (Antilles, Afrique, Inde…), et mettront aux prises non seulement la France et la Grande-Bretagne, mais aussi la Prusse, l’Autriche et la Russie.
Ensuite, par ses conséquences. Ainsi, souligne l’auteur, « outre le choc que constitue pour la France la perte de son premier Empire colonial, c’est de 1763 que datent les débuts de la domination britannique et, plus largement, de la civilisation anglo-saxonne sur le monde. (…) C’est au sortir de la guerre de Sept Ans que la place de la Prusse dans le concert des puissances s’est une fois pour toutes affirmée. C’est aussi à partir de 1763 que la vie internationale commence à être dominée par la pentarchie constituée de la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, l’Autriche et la Russie, qui, en 1914, constitue toujours l’ossature des deux systèmes d’alliances antagonistes qui mèneront l’Europe au cataclysme ». Et il ajoute : « Longtemps sous-estimée, la dimension politique de la guerre de Sept Ans s’avère au moins aussi importante que sa dimension militaire et que ses effets sur l’échiquier diplomatique. Considérée sous l’angle des idées et des pratiques politiques, cette guerre se présente comme le tournant du XVIIIe siècle et même, à certains égards, comme le terme de l’époque moderne. »
« Le » livre de référence
Traiter d’un sujet aussi vaste et aussi complexe en ne négligeant aucun de ses aspects, qu’ils soient politiques, diplomatiques, militaires, économiques, religieux ou culturels, relevait de la gageure. Le risque était grand de s’éparpiller et de se perdre dans les nombreux méandres de cette période si riche en événements et en mutations. Or, mêlant on ne peut plus habilement érudition et sens de la synthèse, Edmond Dziembowski a relevé ce défi avec brio, signant là « le » livre de référence sur la guerre de Sept Ans, qui contentera aussi bien les spécialistes que le grand public.
La guerre de Sept Ans 1756-1763, par Edmond Dziembowski, aux éditions Perrin, en collaboration avec la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense. 700 pages. Prix : 27 euros.
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