Au secours ! La presse féminine m’a tué!

Par Isabel Orpy

Si auparavant, elle me consternait, désormais, la presse féminine m’afflige.

Je ne vise pas le titre dont les rédactrices ont promu Madame Taubira Femme de l’année. Je veux parler de l’ensemble.

Il y avait fort longtemps que ni mes yeux ni mes doigts n’avaient effleuré leurs pages onctueusement glacées.

Quand…

Abandonnée sur mon bureau par une copine bien intentionnée, présumant qu’avaler chaque jour une cinquantaine d’articles d’infos politiques devait nuire à ma belle humeur comme à la fraîcheur de ma carnation, je fus convaincue de terminer la semaine par des infos plus légères, ma curiosité s’empara donc joyeusement de la pile.

J’ai tout lu, tou vu. Au moins, deux kilos.

Certes, la révolution du zapping a, depuis longtemps, engendré l’avènement de la brève en trois cents signes. Des infos sur cinq lignes, il y en a partout, dans tous les sens !

Pour ne pas avoir pris des notes ou usé des heures en découpage, je n’en suis pas sortie plus érudite en quoi que ce soit. Pourtant de la pub, il y en avait plus d’un kilo deux cents treize grammes.

L’on m’avait avisée que les rédactrices Beauté avaient pris le pouvoir et ça s’est vérifié. Tout y fleurait bon le publirédactionel déguisé en article.

Mieux que dans un grand magasin spécialisé, j’ai donc découvert des centaines de produits miracle, scientifiquement pensés-ciblés  pour ma frange, mes genoux, mes oreilles, etc. De toutes les marques, nombre de très rares, très inconnues, justifiant probablement leur coût ahurissant.

J’y ai croisé des artistes en tout et autres créateurs de tout. Tous de génie !

Se promenaient au gré des pages d’innombrables célébrités reconnues du monde entier et que j’osais ne pas connaître.

Presque totalement dévolues à la mode, plus exactement aux modes, les pages précisément dédiées sont consternantes.

Consternantes de laideur, d’inélégance, d’invraisemblable, d’importable.

Du look petit prix lequel, addition faite, n’est jamais petit, à celui du créateur du moment qui, pour vous parer de la tête aux pieds, hors sac, manteau, moufles, etc., coûte quatre SMIC a minima…

En bref, à ne pas avoir écouté plutôt leurs conseils avisés, j’ai réalisé que, outre toutes les tendances ratées,  j’avais pris 20 rides et ridules, perdu à jamais 18257 cheveux et probablement, acquis 3854 grammes, que seul le régime inventé pour le printemps prochain pourrait effacer.

Lecture faite, je me suis donc sentie ignare, démodée, dépassée, ringarde et très moche.

Ma garde-robe, ma vaisselle, mes équipements de cuisine, ma déco, mon hygiène de vie, l’éducation des mes enfants, mes relations avec ma belle mère et mes confrères, mes loisirs, ma vie conjugale… J’avais tout faux.

Se voulant nous conseiller, nous coacher, nous «performer», en fait, la presse féminine nous complexe, nous culpabilise (pour mieux vendre ses annonceurs) de ne pas être dans la prouesse permanente et dans tous les domaines. Elle se mêle jusqu’à l’indécence de la totalité de notre vie privée, interpellant le moindre détail et surtout, celui auquel on ne pensait pas. Perversement subtil…

Pour fuir cette dictature idéologico-commerciale, je suis repartie engloutir des kilomètres d’infos générales, certes très anxiogènes, mais pas beaucoup plus, au moins, en choisissant les supports, en croisant les infos, je décide de mes peurs, de mes rages, de mes plaisirs, de mes achats et de mes réussites.

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