La communauté catholique de Belle Plaine (Minnesota) s’organise pour faire barrage à un projet inquiétant : l’installation d’un monument satanique au cœur d’un parc dédié à la mémoire des soldats tombés pendant la guerre de Sécession, les deux guerres mondiales, et les guerres de Corée et du Vietnam.
Le Veteran Memorial Park de Belle Plaine, une localité de 6 600 habitants située au sud-est du Minnesota, est devenu le théâtre d’une vive controverse opposant la communauté catholiques aux partisans de la liberté de conscience… et du satanisme. L’affaire remonte au mois d’août 2016 lorsque Joseph Gregory, un vétéran âgé de 87 ans (décédé en octobre dernier), avait offert au mémorial une œuvre en fer forgé, baptisée « Joe », représentant la silhouette d’un soldat agenouillé au pied de la sépulture d’un de ses camarades, surmontée d’une croix haute d’un peu plus de soixante centimètres.
Une association locale — la Freedom from Religion Foundation — n’avait alors pas tardé à s’insurger et à exiger le démantèlement de cette installation, dénonçant l’apparition dans l’espace public de cette croix jugée attentatoire à la liberté de conscience. En janvier 2017, le conseil municipal a accédé à ses revendications et ordonné le retrait de l’œuvre. Le mois suivant, une association locale d’anciens combattants — le Belle Plaine Vet’s Club — est revenue à la charge pour réclamer le retour de la silhouette. Démarche qui a abouti à un compromis : une portion délimitée du terrain sera désormais ouverte à toutes les sensibilités religieuses, qui ne pourront s’exprimer que dans ce seul périmètre. C’est ainsi que « Joe » a pu revenir au mémorial en avril.
Une ouverture qui n’a pas échappée aux adeptes du Temple satanique, une organisation d’envergure fédérale dirigée par un certain Lucien Greaves qui s’est empressé de sauter sur l’occasion pour proposer le premier mémorial diabolique de l’espace public américain. En l’occurrence une cube noir orné d’un pentagramme sur chacune de ses faces latérales, et surmonté d’un casque vide retourné, dans lequel les passants peuvent glisser un mot ou une carte de visite. Une sculpture qui serait placée non loin de la silhouette « catholique » dans le périmètre réservé…
Le Temple satanique (The Satanic Temple, ou TSC) se défend de croire en l’existence de Satan, et prétend utiliser son image pour combattre oppressions religieuses et superstitions. L’argumentaire est loin de convaincre les catholiques qui n’oublient pas, comme le disait Baudelaire, que « la plus belle ruse du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ». Au contraire : « Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent d’associer l’homme à leur révolte contre Dieu », rappelle le Catéchisme de l’Église catholique.
Curé de Notre-Dame de la Prairie, la paroisse de Belle-Plaine, le père Brian Lynch entend donc se battre pied à pied contre ce projet, rapporte CruxNow. Messes, rosaires, adorations eucharistiques se sont multipliées récemment afin de faire échouer le projet provocateur de l’organisation sataniste. Un grand rassemblement était organisé samedi, avec l’appui de l’organisation America needs Fatima, afin de manifester la résolution des catholiques à faire obstacle au projet du Temple satanique. Mais par mesure de précaution, « Joe » avait de nouveau été retiré vendredi, à la veille de la mobilisation… Au-delà de sa dimension locale, l’affaire — qui cristallise un combat non seulement sociétal et philosophique, mais sans doute aussi spirituel — prend une dimension de plus en plus large, attirant désormais l’attention bien au-delà des frontières du Minnesota.