Il y a deux siècles naissait Charles Gounod. Le 18 juin 1818 exactement. A Paris. De sa brillante carrière de compositeur, on ne connaît guère plus que son Ave Maria, ressassé à toutes les sauces, même les plus improbables (à l’accordéon, à la guitare électrique, en version rock ou techno…), et son maître opéra Faustimmortalisé par la Castafiore et l’« Air des bijoux ». Gounod a mauvaise presse : pompier, catholique, représentatif du XIXe siècle bourgeois austère et guindé.
Et pourtant. Pompier, il ne l’est que rarement. Certes, quelques-uns de ses cantiques, plusieurs passages d’opéras ou encore la Messe de Sainte-Cécile et l’« Hymne pontifical » sont puissants et « virils », avec force fanfares et mélodies martiales. Mais sinon, Gounod est beaucoup plus sobre, à tel point que les paroissiens de l’église des Missions étrangères de Paris, dont il était l’organiste, se sont plaints du jeu trop austère de l’abbé Gounod – tel qu’il se faisait appeler à ce moment avec l’accord de l’archevêque de Paris. Cette sobriété musicale, il la doit à son séjour à la Villa Médicis, qu’il effectua après avoir remporté le prix de Rome en 1839 à seulement vingt et un ans. Au cours de cette période romaine, Gounod s’est frotté à la polyphonie a cappella, en particulier celle de Palestrina. On est donc loin, très loin de l’artiste pompier.
Catholique, Gounod ? Certainement, malgré les errements de l’artiste qui aura une liaison scandaleuse (et ruineuse pour lui) avec une Anglaise pendant un bref séjour à Londres à partir de 1870. Il s’était alors réfugié en Angleterre à cause de la Commune : lui, l’organiste proche de monseigneur de Ségur et de Lacordaire, était forcément sur la liste des proscrits. Mais, malgré tout, son attachement à l’Eglise a toujours été indéfectible et ses dernières années (1875-1893) furent profondément catholiques. D’ailleurs, toute son œuvre porte la trace d’un christianisme sincère et profond : la musique sacrée, bien sûr, qui tient une place extrêmement importante, tant en quantité qu’en qualité, et même les opéras, où la notion de rédemption est souvent présente, celle de Marguerite ou celle de Mireille ! Il était même novateur en termes de musique liturgique car défenseur du chant grégorien, à une époque où celui-ci était relégué au fond des sacristies : dom Guéranger et saint Pie X n’étaient pas encore passés par là. Pour son enterrement, il exigea même que la messe fût chantée en grégorien, chose rare à l’époque.
Dans certains milieux, il est de bon ton de critiquer Charles Gounod car c’était un classique dans l’âme et dans l’écriture, bien éloigné de son contemporain Berlioz, qui symbolise, lui, le romantisme et ses excès, ou, en tout cas, ses tourments. Et pourtant, le Faust du classique Gounod est sans doute l’opéra français le plus donné au monde, encore aujourd’hui.
Alors, sachons redécouvrir Gounod : ses opéras bien sûr, mais aussi ses messes, ses oratorios, ses mélodies. Nous y entendrons une musique raffinée, pleine de saveurs délicates, sans heurts, bref, une musique très française.
Photo : Charles Gounod en 1875.
François Bregaint – Présent