Par Alain Sanders
Quelques lecteurs peut-être un peu distraits – car nous avons souvent parlé du conchieur du drapeau français – nous demandent de revenir sur la mascarade panthéonique de Jean Zay. Eh bien, (re)parlons-en.
Je le fais d’autant plus volontiers que j’ai sous les yeux le livret qui fut disposé sur les sièges des invités de la tribune présidentielle lors de ladite mascarade. Le texte consacré à Jean Zay commence ainsi : « La France de Jean Zay, cette patrie reconnaissante soixante et onze ans plus tard, ce n’est pas une France qui aurait toujours été là, ce n’est pas le fétiche (sic) essentialiste (resic) des nationalistes d’exclusion, c’est la patrie républicaine forgée depuis 1792, rentrée au port dans les années 1870. » Signé d’un certain Olivier Loubes.
Se glorifier d’une patrie républicaine forgée depuis 1792, c’est-à-dire sur les cadavres de centaines de milliers de victimes de la Terreur, faut oser…
Le scandale de la panthéonisation de Jean Zay est tel que même des militaires, généralement plus frileux, ont fait connaître – sans être entendus – leur réticence.
A cette occasion, on nous a vendu Zay comme « un patriote exemplaire ». Nonobstant son texte, Le Drapeau, où il dit notamment : « Terrible morceau de drap coulé à ta haine, je te hais férocement / Oui, je te hais dans l’âme. »
Dans le livret de propagande, tout à la dévotion de l’humaniste (comprenez : le franc-maçon), on balaie d’un trait de plume cette ignominie : « Son humanisme blessé par la boucherie de 1914, alla bien jusqu’à rouler à 19 ans Le Drapeau – dans un poème (sic) en forme de pastiche, mais sincère sur le fond – dans les boues de toutes les détestations de la guerre. » Pas de quoi s’effaroucher pour si peu, en effet…
Toutes les détestations de la guerre vraiment ? Alors qu’on nous explique pourquoi Jean Zay, pacifiste à tout crin, devient un farouche belliciste en 1939-1940 ! Membre du Grand-Orient de France (initié à la loge Etienne-Dolet en 1926), Jean Zay ne voit plus d’inconvénients – et tout au contraire – à ce que de jeunes hommes (dépeints comme « beaux, résolus, heureux » dans Le Drapeau) partent à l’abattoir (1).
Lui, la défaite s’annonçant, il s’embarque sur le Massalia, direction Casablanca, au Maroc. Débrouillez-vous, les gars, moi je me carapate… Le destin, le tragique destin, en décidera autrement. Sa mort – inutile, cruelle, injuste, inhumaine – n’en fait pas un « résistant » stricto sensu. A la différence des trois autres personnalités panthéonisées (dont deux dans des cercueils vides…).
« Peu d’hommes politiques, écrit encore le thuriféraire Loubes, auront autant fait corps avec la République : avec la patrie républicaine résistante et haïe d’une part, avec la démocratie républicaine refondée et défendue d’autre part. Alors célébrer Jean Zay comme un grand homme, c’est avant tout célébrer un homme-République. » Signalons que cet Olivier Loubes enseigne l’histoire en classes préparatoires à Toulouse. Amis de l’objectivité historique, bonsoir…
Nous n’avons aucun goût pour ce Panthéon qui squatte une église arrachée au culte catholique par les inspirateurs de Jean Zay, comme les islamistes ottomans faisant de Sainte-Sophie une mosquée. Il ne faudrait pas, en plus, pousser le bouchon trop loin.
(1) Le 6 août 1936, à la Chambre, Jean Zay fustigeait les « instituteurs pacifistes », les accusant d’« antipatriotisme ».