Les éleveurs de bœufs et de porcs ont réalisé, ces derniers jours, quelques actions d’éclat auprès des abattoirs et des grandes surfaces pour interpeller les pouvoirs publics sur leur situation. Ils n’en peuvent plus des prix faibles qui leur sont payés. Beaucoup vendent le kilo de viande au même prix qu’il y a vingt ans. 3,60 euros pour un kilo de viande bovine que le consommateur paie jusqu’à 35 euros/kg en grande surface ! Environ 1,10 euro le kilo de porc que l’on retrouve au moins dix fois plus cher dans les mêmes bacs.
Entre-temps, le prix des aliments pour nourrir les broutards (jeunes bovins) ou les cochons a considérablement augmenté. Ne parlons pas de l’obligatoire mise aux normes des bâtiments d’élevage, qui a coûté plus qu’un bras à chacun des éleveurs. Ne parlons pas, non plus, des autres secteurs d’activité agricole gros pourvoyeurs de main-d’œuvre (maraîchage, arboriculture), qui sont victimes du dumping social. Le plombier polonais des agriculteurs, c’est cette main-d’œuvre des pays de l’Est (pourtant intégrés à l’Union européenne) qui est payée trois francs six sous et contre laquelle les autorités européennes refusent de lutter efficacement. Au bout du bout, les agriculteurs vendent en dessous de leur coût de production, autrement dit à perte.
Première conséquence : les agriculteurs mettent la clé sous la porte. Mais ils ne peuvent pas venir grossir les chiffres du chômage puisqu’ils n’ont pas le droit d’émarger à Pôle emploi. Ce sont quand même des pans entiers de notre agriculture qui, avec eux, partent en lambeaux : il y avait un million d’exploitations agricoles en 1988, 660.000 en 2000 et moins de 500.000 en 2010, selon les chiffres du recensement agricole. Combien en 2015 ? 400.000 ? Et parmi ces exploitations, combien sont véritablement viables et rentables ?
Deuxième conséquence : la taille des exploitations ne cesse de grossir. La surface moyenne d’une exploitation qui était de 21 ha en 1970 atteint aujourd’hui 55 ha. Mais plus de 200.000 exploitations comptent à ce jour moins de 20 ha.
Troisième conséquence : notre pays devient de plus en plus « dépendant des marchés extérieurs » ; belle formule pour dire que nous importons des produits qui faisaient autrefois notre fierté. Bon an mal an, la France produit 88.000 tonnes d’ovins par an, en exporte 15.000 tonnes mais en importe 110.000 tonnes ! Même tendance pour la viande bovine : 1,2 million de tonnes produites, 270.000 tonnes exportées mais plus de 376.000 tonnes importées !
Aujourd’hui, la France est la huitième puissance agricole en termes de part de la valeur de la production agricole mondiale, mais au rythme où elle dépérit, pas sûr qu’elle reste longtemps dans le top 10 !