Tribune libre de Jacques Garello*
Nous voici donc sous monopole socialiste. Nous aurons le choix entre désordre et délire. Mais c’est l’affaire de la gauche. Pour une fois on ne pourra pas incriminer l’ultra libéralisme, et le pouvoir hégémonique sera tenu pour seul responsable de la crise qui va venir et des mesures qu’elle appellera, bon gré mal gré.
J’ai déjà dit que les libéraux doivent tirer parti de cette période de jachère pour reconstituer leur force, se réorganiser et éclairer l’opinion publique. Celle-ci sera très vite désorientée par les initiatives du nouveau pouvoir, les promesses électorales s’étant envolées et les réalités économiques et sociales stupidement ignorées se révélant au grand jour.
J’insiste sur la nécessité de se mettre à l’œuvre dès maintenant.
La relance libérale, c’est maintenant ou jamais.
C’est maintenant qu’il faut ramener à la raison une droite politicienne qui s’est embourbée depuis des décennies dans un étatisme et un conservatisme qui ont interdit les vraies réformes qu’appelle notre pays depuis un demi-siècle, comme celles qui concernent la Sécurité Sociale, l’Education Nationale, le logement, les collectivités locales, etc.
Qu’on le veuille ou non l’UMP, devenue l’Union de la Minorité Parlementaire, supportera difficilement le premier choc. Il m’étonnerait qu’elle explose, car elle détient le trésor de guerre, que l’Etat dispense généreusement aux partis existants. Pas d’UMP, pas d’argent pour financer les municipales qui se profilent. Mais ; sans exploser l’UMP subira les affres de la défaite, depuis la querelle des chefs (moins drôle d’ailleurs que celle qui s’est installée à gauche), jusqu’à l’impossibilité de choisir entre des « courants » qui opposent droite populaire, sociale, réformatrice, centriste, souverainiste. Cette droite a hérité du gaullisme la manie du rassemblement, qui n’est qu’une façade parce qu’elle signifie l’absence de doctrine et la cohabitation de gens que rien ne rapproche, si ce n’est l’attrait du pouvoir.
Maintenant nos chers élus ou battus vont devoir passer aux choses sérieuses. Leur seule chance de survie à moyen terme est de se donner un programme de réformes inspirées par une vision cohérente de l’avenir de la France.
Le calendrier de la classe politique nous donne rendez-vous à la rentrée. Je ne pense pas qu’il soit prudent de leur laisser ce délai de viduité. De quoi vont-ils accoucher ? Ils ne le savent pas eux-mêmes, ayant été sevrés depuis 2002 de toute réflexion doctrinale. Il nous importe donc de préparer le terrain en les invitant à visiter la boutique libérale pour qu’ils y prennent quelques idées et y forgent quelques convictions.
La sollicitude dont nous entourerons la classe politique déchue ne doit pas faire oublier que la cible principale des libéraux, aujourd’hui comme hier, demeure la société civile. L’opinion publique elle aussi va être déçue et désorientée.
Déçue : par ignorance, légèreté ou aveuglement idéologique elle ne savait pas ce qu’était le socialisme. Elle n’en connaissait qu’une version douce, l’étatisme de Chirac et Sarkozy. Maintenant elle va comprendre de quoi il s’agit réellement.
Désorientée : quelle alternative ? Les gens veulent-ils retourner à la politique de Sarkozy ? Les Français vont-ils patiemment attendre les prochaines échéances électorales pour retrouver quelque espoir ? L’alternance est-elle un espoir ? Non : elle est devenue une routine, que l’on habille en « démocratie ». Les Français pourraient se contenter de l’alternance, si rien ne leur était proposé. Nous leur proposerons la rupture.
Nous leur proposerons la libération des chaînes de l’Etat. Il nous faudra faire effort de présentation, d’information et de formation, nous y sommes préparés. L’expérience des premières années Mitterrand montre qu’en quelques mois seulement tous les gens peuvent se trouver un intérêt soudain pour un discours et des solutions qu’ils n’avaient plus entendu depuis longtemps : le libéralisme. Mais la même expérience apprend que la classe politique, trop impatiente de goûter à l’alternance et de prendre le pouvoir est tentée d’en oublier la rupture, et finalement…perd le pouvoir.
Donc, c’est maintenant que les libéraux doivent offrir à la classe politique et à l’opinion publique de quoi rendre espoir. Personne ne fera le travail à notre place. Encore faut-il que nous ayons les moyens de ce travail.
Le premier moyen est la coordination des efforts. L’ALEPS entretient des relations suivies et profondes avec tous ce que la France compte de vrais libéraux, nul esprit de chapelle n’a germé. L’Université d’Eté de la Nouvelle Economie est de ce point de vue exemplaire, depuis plus de 30 ans elle est une rencontre nationale et internationale de ceux qui forgent et diffusent les idées de la liberté. Elle vous est présentée dans la Lettre de l’ALEPS, vous réserverez vos dates du 26 au 29 août.
Un deuxième moyen est la diffusion des argumentaires libéraux. Votre Nouvelle Lettre en fait partie, proposant chaque semaine une rubrique de connaissance du libéralisme, et la SEFEL va éditer plusieurs des séries publiées naguère. Mais plusieurs nouvelles présentations et synthèses doivent être proposées, elles seront prêtes dans quelques semaines.
Enfin, le troisième moyen est celui qui doit régler le problème de nos relations avec la classe politique : des clubs libéraux locaux doivent se créer, sur le modèle des cercles d’Idées Action inventés par Alain Madelin, unissant responsables de la société civile et membres de la classe politique. Tous pourront décliner le libéralisme à leur manière, mais aussi à la lumière de nos programmes libéraux rafraîchis.
Mais toutes ces belles intentions ne pourront se concrétiser durablement que si nous ne collectons pas des espèces sonnantes et trébuchantes qui, sans atteindre les montants que l’Etat alloue aux partis avec notre argent de contribuables, doivent cependant nous permettre d’avoir un écho dans les médias locaux et nationaux.
Ceux d’entre vous qui sont persuadés que c’est maintenant ou jamais, doivent aussi se dire que c’est maintenant ou jamais qu’ils doivent s’engager, par leur participation, leur témoignage, leur réflexion, et leur amitié.
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.