L’ancienne journaliste Géraldine Smith, qui vit depuis onze ans en Caroline du Nord, raconte dans un ouvrage remarqué les dérives identitaires de l’Amérique. Si les politiques de discrimination positive («affirmative action») sont louables sur le principe, elles ont aussi eu pour effet indésirable de renforcer la ségrégation des communautés, notamment dans les campus.
LE FIGARO. – En souhaitant introduire davantage de diversité dans le recrutement des meilleures écoles françaises, le gouvernement semble s’inspirer du modèle des universités américaines pour moderniser l’enseignement supérieur français. Cinquante ans plus tard, ce modèle a-t-il fait ses preuves?
Géraldine SMITH. –
Vouloir briser le phénomène de reproduction des élites, que ce soit en France ou aux États-Unis, est un principe louable. Le terme affirmative action a été inventé par John F. Kennedy en 1961, mais les politiques de discrimination positive ont pris de l’ampleur avec la fin de la ségrégation raciale. Le président Lyndon Johnson a justifié la démarche, en 1965, par une métaphore que je trouve très parlante: «Vous ne pouvez pas prendre une personne, qui, pendant des années, a été handicapée par des chaînes, pour la libérer, l’accompagner sur la ligne de départ de la course et dire: “Allez, tu es libre d’affronter tous les autres”, et croire que vous avez été équitable.» Mais le bilan est très mitigé, en particulier dans les établissements d’excellence, que ce soit en termes de diversité socio-économique ou de diversité raciale – un terme assumé aux États-Unis. En 2018, le revenu annuel médian de la famille d’un étudiant d’Harvard était de 169.000 dollars (contre 62.000 pour la moyenne nationale) et 67 % des étudiants venaient des 20 % de familles les plus riches du pays… Et, en termes d’accès aux universités d’élite, les inégalités raciales se creusent depuis 1980.