PASCALE CLARK TOMBE LES MASQUES ET LA PLUME. L’HEURE EST À BOXSONS, « LE NOUVEAU MÉDIA SONORE ». CE MÉDIA PRÉSENTE DEUX PARTICULARITÉS : IL SE VEUT NOVATEUR EN NE PROPOSANT QUE DES PODCASTS ET IL N’EST QUE BOBO LIBÉRAL LIBERTAIRE (MAIS OUVERT À QUI VEUT OU PEUT PAYER, COMME TOUT BOXON).
Militantisme oblige, Pascale Clark et son associée Candice Marchal ont mis en ligne leur plateforme de podcast le 18 avril 2017. Présidentielles obligent. « Nous observons un frémissement autour du son. Avec ce site, nous voulions combler une frustration par rapport à ce que nous pouvons entendre. Ainsi, nous souhaitons sortir des studios pour aller chercher du son sur le terrain », explique Pascale Clark au Monde le 16 avril 2017. Et comme l’amitié c’est important, France Inter n’a pas manqué d’assurer la promotion de son ancienne animatrice, ainsi dans L’humeur vagabonde du dimanche 30 avril 2017. La particularité de BoxSons est de proposer des reportages audio souvent diffusés en plusieurs épisodes (rubrique « Mémoires vives », « Nos histoires »…). D’après Le Monde, « La plate-forme veut privilégier des récits qui donnent une dimension particulière à l’actualité. Tel celui de Sami qui, « pour vivre libre », a quitté son pays, l’Erythrée, pour se rendre au Royaume-Uni (dixit Candice Marchal) ».
DES MIGRANTS ET DES PLOUCS
Des bons et des méchants. Les bons, ce sont les migrants. Les méchants, les ploucs. On les reconnaît facilement : ils vivent dans la France périphérique et ils votent FN. C’est ainsi dans la rubrique « Hautes fréquences », avec ses items « Exils » et « Visages de campagne ». Le premier item propose des podcasts sur les malheurs des migrants, le deuxième sur les plaintes des ploucs. On retrouvera le reportage évoqué par Candice Marchal, signé Marie Monier et intitulé « De Calais vers l’Angleterre, des silhouettes, des camions ». Présenté ainsi : « Embourbé plusieurs mois dans une tente à Calais, pas une nuit sans que Sami n’ait tenté sa chance. Jusqu’à rejoindre l’Eldorado, après bien des périls ». 5 épisodes prévus. Le premier : « Sami a fui l’Erythrée pour sauver sa vie. Un désert, une mer, Calais, l’Angleterre. Son parcours à rebours. 1ère étape : Leeds, l’asile politique est arrivé par la poste ». Début du reportage. La voix de Sami en anglais, puis la journaliste. « J’ai rencontré un migrant. Aujourd’hui, je l’appelle frère ». Marie Monier avoue ignorer « au départ » où se trouve l’Erythrée. Sami n’est pas un migrant, Sami est « un réfugié » politique selon Marie Monier. Elle est allée dans la jungle de Calais en 2014 et la rencontre a eu lieu dans une tente : « Je n’ai plus jamais quitté la jungle, ni dans ma tête ni dans mon cœur ». Sami est passé en Angleterre.
La journaliste le retrouve à Leeds. Description de la ville : « La misère. Elle creuse son sillon sur les visages dans les rues de la ville dès 8 heures du matin. Sami me guide, entre les fantômes shootés au crack ou à l’héroïne, les ados sur maquillées ». Amplement de quoi s’interroger sur les raisons du vote pour le Brexit, sans doute Marie Monier y a-t-elle pensé en vue d’un futur podcast. Sami habite dans une maison coincée entre un Fish & Chips et une morgue, cela ne s’invente pas. « Un logement mis à disposition gratuitement par le Home office ». Ils sont 9 sous ce toit. Ils n’ont pas encore le statut légal de réfugié. « Aucune lampe ne fonctionne. Pourquoi personne n’est venu les réparer ? ». Sami, lui, vient juste d’obtenir les papiers donnant le statut de réfugié. La journaliste explose de joie « Pas de papiers, pas de travail ». Permis de séjour valable 5 ans. Jusque-là, « son seul revenu c’est une allocation hebdomadaire de 36 livres, environ 52 € ». Avec des papiers, Sami va pouvoir travailler. Pour l’heure, il joue au foot deux fois par semaine. « Il y a des Iraniens, des Irakiens, des Soudanais, des Erythréens, des Anglais, tous sous le même dossard jusqu’à la fin du match ». En soirée, Sami : « Tu sais ici c’est une petite ville, les gens pensent que tous les gens noirs sont mauvais. Moi je respecte les gens, peu importe leur couleur de peau. Ils ne peuvent pas nous juger par rapport à notre couleur de peau ». Il ne comprend pas pourquoi les habitants de Leeds ne l’interrogent pas au sujet de son passé. « Ils me traitent de putain d’immigré ». Fin du reportage, épisode 1.
LES PLOUCS, ÇA VOTE FN ET ÇA MENACE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE : HÉNIN BEAUMONT
Concernant les méchants qui votent FN, la page Facebook de BoxSons annonce la couleur quand elle oriente vers un reportage intitulé « Voix contre Front » : « S’il fallait encore être convaincus sur l’attitude à adopter dimanche 7 mai… Laisse tes oreilles te guider avec ce reportage ». Intitulé du podcast : « Enquête à Hénin Beaumont où la municipalité FN mène une guérilla intense contre la locale de la Voix du Nord. Un niveau de caniveau extrême ». La voix ? Martin Bodrero. Le ton ? On dirait aussi Pascale Clark. Avec l’élection de Steeve Briois comme maire d’Hénin Beaumont, au premier tour, « voici la ville replacée sur la carte de France laboratoire local des méthodes FN ». Le reportage s’oriente directement vers le journal La Voix du Nord, 210 000 exemplaires vendus chaque jour, auquel l’Ojim a déjà consacré de nombreux articles voir http://www.ojim.fr/le-groupe-la-voix-du-nord-un-organe-de-presse-militant/.Rencontre avec 4 journalistes. « Cela fait deux ans que le FN est installé », dit le reporter de BoxSons, « et côté relations c’est pas compliqué, c’est pire ». Témoignages à charge : « On nous considère comme des militants politiques et non pas comme des journalistes ». Il est vrai que La Voix du Nord s’est clairement engagé contre le FN, bien que les témoins aient « l’impression de traiter » équitablement le FN. Comme avec la Une juste avant les élections régionales par exemple : « Pourquoi la victoire du FN nous inquiète ». Les journalistes s’étonnent que leurs articles entraînent des « droits de réponse » du maire. « Est-ce une volonté de nous intimider ? » On ne se demande pas si ces réponses systématiques ne proviendraient pas d’un parti pris tout aussi systématique. Harcèlement disent-ils. « Si un d’entre nous avait été fragile dans ces moments là, ça aurait pu être dramatique ». Près de la mairie : « Lorsque j’évoque le conflit entre La Voix du Nord et l’équipe municipale, c’est un tout autre son de cloche qui résonne. Une petite musique souvent jouée par les militants du FN : celle de la victimisation ». Rencontre avec Bruno Bild, adjoint au maire. Question : « C’est quoi le problème avec La Voix du Nord ». Réponse : « Le problème, c’est qu’ils n’agissent pas avec nous en journalistes mais en militants politiques. Le point de rupture a été les élections régionales où La Voix du Nord a fait (…) des enquêtes entièrement à charge ». Puis, « à partir du moment où ils ont appelé à nous faire battre, nous avons coupé toute relation » (…) « À partir du moment où ils ont donné une consigne de vote, pour moi ils ont arraché leur carte de journaliste ». Intervention d’un autre élu municipal : « Cette liberté de ton que revendique La Voix du Nord, nous on la revendique aussi ». Bruno Bild : « Il y a maintenant une pluralité d’informations. Il y a ce que La Voix du Nord écrit, il y a ce que les réseaux sociaux diffusent. L’information est multiple… Lorsque l’on est journaliste professionnel, on devrait être soumis à une rigueur intellectuelle autre qu’un simple blog ». Rencontre suivante, le responsable d’une radio associative : « Aujourd’hui, se promener à Hénin Beaumont avec un micro c’est tout de suite compliqué. Les gens où ne parlent pas où en profitent, vont dans la provocation ». Martin Bodrero confirme : se promenant dans la ville, les habitants ne lui parleraient pas. Retour du responsable de la radio : « La Voix du Nord a écrit ce que nous on braille en permanence dans le transistor, pourquoi l’élection de Marine Le Pen nous fait peur. La Une était courageuse, les propos ont été objectifs ». Puis : « Il s’est produit ici quelque chose qu’on a senti venir nous, qui n’était pas un vote de protestation, qui était un vote d’adhésion ».
BoxSons va également tenter de créer de nouveaux formats comme le module d’endormissement spécialement conçu pour trouver le sommeil. « J’ai demandé aussi à ce que l’on compose un morceau pour déclencher la joie », s’amuse Pascale Clark dans Le Monde. Ce n’est pas gagné…