Avec la bagatelle de plus de 250 édifices comportant au moins une protection au titre des monuments historiques – et parmi lesquels on trouve pêle-mêle l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques, l’église des Jacobins ou l’hôtel d’Assézat –, Toulouse fait partie du peloton de tête des villes françaises les mieux dotées en richesses patrimoniales. Autant de raisons de figurer au patrimoine mondial de l’Unesco. Louable intention donc de son maire Jean-Luc Moudenc qui souhaite ainsi marquer sa deuxième mandature du sceau du succès. Toute la question cependant est de savoir comment parvenir à remporter une telle distinction sans tomber dans des investissements extravagants. La tentation est forte, en effet, pour y parvenir, de multiplier les dépenses inconsidérées en voulant à toute force favoriser l’embellissement de la ville, comme c’est déjà le cas avec l’urbaniste catalan Joan Busquets (engagé par le maire précédent, le socialiste Pierre Cohen) qui propose un nouvel aménagement fort coûteux de l’espace public.
Albanel en embuscade
La France étant incapable de fonctionner sans comités Théodule, Toulouse n’a, bien sûr, pas échappé à la règle pour monter son opération Unesco. Moudenc et son équipe ont constitué un comité d’organisation composé de conservateurs du patrimoine et d’experts scientifiques de haut niveau. Jusque-là, tout va bien. Sauf que la présidente de ce comité n’est autre que Christine Albanel. Christine Albanel ? Oui, l’ancien porte-plume de Jacques Chirac qui a acquis ses titres de noblesse en commettant en 1995 le discours-repentance du nouvel Elyséen sur la rafle du Vel’d’Hiv’ et qui fut également le désastreux ministre de la Culture du premier gouvernement Fillon. A l’époque, l’agrégée se moquait du tiers comme du quart du patrimoine au point de devenir la bête noire de tous ceux qui, de près ou de loin, sont attachés à sa défense ou à sa protection.
Quelques années avant son passage rue de Valois, elle s’était déjà attiré les foudres de certains quand elle sévissait à Versailles. En effet, à la faveur de ses liens avec Jacques Chirac, elle avait été nommée présidente de l’établissement du musée et du domaine national de Versailles pour le plus grand malheur de ce joyau. Avant Jean-Jacques Aillagon et ses funestes initiatives en matière d’art contemporain, Christine Albanel a transformé le domaine des rois de France en parc de loisirs, privilégiant les événements médiatiques au détriment d’un vrai projet patrimonial. Outre un concert des Rita Mitsouko, on lui doit d’avoir organisé, dans la chapelle royale du Château, une exposition de robes de Christian Lacroix. Ce qui amena Anne Brassié à brandir l’étendard de la révolte en compagnie de nombreux autres Versaillais.
Devenue présidente de la Fondation Orange, celle qui a accepté de porter Toulouse sur les fonts baptismaux de l’Unesco soutient Alain Juppé dans sa course à l’Elysée. Ces différentes activités lui laisseront-elles le temps de mener à bien cette mission en mettant en valeur l’histoire multiple de Toulouse : pastel, capitouls, mais aussi aéronautique, fleuve et canal ? L’avenir le dira.
Restauration de Saint-Sernin en 2017
Pour l’instant, les feux de l’actualité sont braqués sur la basilique Saint-Sernin dont la restauration et l’aménagement de la place devraient débuter en 2017. Avec, à la clef, des travaux sur le massif occidental de la basilique recouvert pour l’instant d’un filet de protection. Viendront ensuite la restauration des peintures du transept et celle de la crypte. En espérant cependant que personne n’aura l’idée saugrenue d’y exposer des robes de mariée !
Reste l’épineux problème de l’incomparable site archéologique enfoui sous la place. Président de la société archéologique du midi de la France, l’archéologue Daniel Cazes plaide pour une fouille complète jusqu’aux couches les plus anciennes et estime dans le dernier numéro de l’Auta (la revue de l’association des Toulousains de Toulouse) qu’il faut pour cela déplacer le célèbre marché aux puces de Saint-Sernin à seule fin de rendre son âme à ce lieu emblématique. Après les sondages effectués au cours de l’été 2015 par les archéologues de la DRAC, ces derniers ont rendu leur copie à la mairie et étudié le projet d’aménagement de la place.
Moudenc ne veut à aucun prix des fouilles, estimant que les vestiges, et en particulier les nécropoles importantes qui ont été révélées lors des sondages, ne doivent pas être exhumés afin de ne pas contrarier les projets urbanistiques de Busquets. Quid également du musée de l’œuvre de Saint-Sernin qui regrouperait toutes les richesses, inaccessibles au public, groupées dans les réserves de la Basilique ?
La municipalité hésite et dit réfléchir à un « lieu destiné à montrer le patrimoine toulousain en général ». En attendant, le curé de Saint-Sernin est régulièrement aux prises avec de jeunes adeptes de la planche à roulettes qui perturbent notamment la célébration des obsèques et n’hésitent pas à frôler les cercueils à peine sortis des corbillards ! Un arrêté municipal a interdit ce jeu stupide. Aux dernières nouvelles, le curé aurait pactisé avec les fauteurs de troubles en leur ouvrant grand les portes de Saint-Sernin à condition qu’ils rangent leur planche dans un sac à dos. A quand le lavement des pieds ?
Francoise Monestier – Présent