Jusqu’au 18 septembre prochain, le musée des Beaux-Arts de Chambéry propose une exposition intitulée : « De l’usage de l’autre ». Avec des œuvres de Pierre David, plasticien, scénographe et designer. Et, comme affiche d’accroche, une femme à barbe.
On nous indique doctement : « L’exposition illustre un art polymorphe qui interroge à la fois les formes du dessin académique et les phénomènes de société les plus contemporains : le genre, la citoyenneté, l’appartenance à un groupe social. (…) A l’aide du dessin hyperréaliste et de la photographie, [Pierre David] traite fondamentalement de la mémoire, de la disparition, mais aussi de l’identité sociale et sexuelle comme premier vecteur de communication entre les êtres. » C’est clair comme un discours bobo des « Nuit debout ».
On ne discutera cependant pas de l’art et de la technique de Pierre David, dessinateur incontestablement talentueux, mais de la « philosophie » de son œuvre.
Arrêtons-nous, par exemple, à la série intitulée « Testostérone ». Avec ces questions existentielles de l’artiste : « Le port de la barbe changerait-il le rôle des femmes dans la société ? Est-ce un problème pour un homme si la mère de ses enfants porte une moustache ? Une femme à barbe aurait-elle le même salaire qu’un homme ? Cette pilosité remettrait-elle en cause la définition des genres ? Pourquoi l’industrie pharmaceutique a-t-elle choisi de développer la contraception féminine plutôt que masculine ? Pour ce projet, j’ai créé une fiction autour de l’apparence des femmes, un travestissement hormonal. »
Pas sûr que, saoulés par des problématiques qui relèvent de l’empapaoutage des mouches genre « Si ma tante en avait, est-ce qu’on l’appellerait mon oncle ? », les visiteurs aient pour autant envie d’être condamnés aux travelos forcés…
Autre sujet qui, en principe, relève de l’exotisme, mais qui est devenu un sujet prégnant de notre société, les « Voilées ». Pierre David se demande : « Pourquoi une femme musulmane n’aurait-elle pas envie d’être représentée dans l’évidence du vêtement quotidien qu’elle revendique ? » Douze femmes voilées sont ainsi représentées de face, regardant le spectateur, leurs visages encadrés par des étoffes noires pas vraiment rock’n’roll. Ne serait-il pas plus intéressant – et libérateur – de se demander (et de le leur demander) si ces belphégorisées ont choisi librement cet enfermement ?
Il y aussi les « Rescapés ». Dans la chapelle de La Trinité, une église aujourd’hui désacralisée, quatre tableaux autour de l’autel : « Des modèles constitutifs de la société française et souvent absents de l’espace public ». Avec cette précision : « Ils devaient être des immigrés et venir d’horizons différents, l’un d’Afrique du Nord, l’autre d’Afrique centrale, d’Europe de l’Est et d’Extrême-Orient. » Prétendre que les immigrés seraient « absents » de l’espace public, alors qu’ils le saturent, fait doucement sourire.
Un des commissaires de l’exposition explique très sérieusement qu’il s’agit là « de recomposer une cartographie nouvelle, un atlas de corps recomposés ». Fermez le ban…
Alain Sanders – Présent