“Avec Emmanuel Macron, nous avons un problème assez facile à identifier. De même que Giscard n’a jamais accepté de ne pas être né romancier et s’est ridiculisé par quelques fictions mal ficelées, Emmanuel Macron voudrait être un intellectuel. A vrai dire, ce n’est pas bien grave qu’il ne le soit pas; ce qu’on attend de lui, c’est qu’il gouverne bien le pays. Mais il s’obstine à vouloir être un intellectuel, de l’espèce philosophe. Il avait laissé écrire, avant son élection, qu’il était entré à la rue d’Ulm, ce qui n’est pas le cas; il se laisse présenter comme un ancien assistant de Paul Ricoeur octogénaire, sans que l’on voie bien ce qu’il a gardé, intellectuellement, de l’illustre universitaire. Alors non seulement Macron prononce des discours interminables mais il se permet de dire qui a grâce à ses yeux dans le monde des idées. En fait, la formule rapportée par Philippe Besson est profondément comique, aux dépens de son auteur. « Le monde d’hier » est le titre d’un magnifique livre de Stefan Zweig, un hymne à la civilisation européenne d’avant la barbarie, celle des guerres mondiales.
Et puis Macron, en reprochant à tel ou tel de regarder le monde avec « les yeux d’hier » ne semble pas se rendre compte que le passé est un point d’observation fréquent des intellectuels pour critiquer le monde dans lequel ils vivent. Tout simplement parce que les intellectuels cherchent la permanence de l’humain contre les modes et les tyrannies modernes, qui se drapent souvent dans les habits du progressisme. Enfin, et ce n’est pas le moindre paradoxe, Emmanuel Macron s’est montré, depuis deux ans, profondément incapable de quitter un monde qui est celui de son enfance et de son adolescence, le « patriotisme constitutionnel » d’Habermas, la république centriste de Giscard, l’européisme de Mitterrand, le mondialisme néo-libéral, . Alors que Todd, Debray ou Finkielkraut, bien que plus âgés que lui, ont, chacun à leur manière, compris quelque chose du monde conservateur, épris de frontières, de cohésion sociale, de réenracinement, qui est en train d’advenir. Quant à Onfray ou Badiou, ils ont chacun à sa manière, le goût du défi aux puissants.
Disons que le président n’aborde pas vraiment le débat de lundi soir dans une bonne disposition d’esprit. Tout se passe comme s’il avait fait venir 60 personnes pour qu’aucune ne puisse vraiment s’exprimer. Les invite-t-il pour subir un de ses discours où il se fait l’émule de Fidel Castro, non seulement par la longueur mais aussi par l’ennui qu’il sécrète?”
Malgré de nombreuses recherches, y compris sur le site de l’Elysée, il nous a été impossible de trouver la liste des 64 “penseurs” venus bavasser avec le salarié Manu… Evidemment, participer à cette mascarade est édifiant voire compromettant, d’où une liste secrète… Que ne ferait-on point pour un avancement, une médaille ou un prix? Nous avons toutefois glané quelques noms et forcément, pas des meilleurs:
Pascal Bruckner, macronien convaincu… les philosophes Marcel Gauchet, Souad Ayada, Frédéric Worms et Monique Canto-Sperber, les sociologues Jean Viard et Michel Wieviorka, le psychiatre Boris Cyrulnik, l’historien Benjamin Stora, le climatologue Jean Jouzel, les économistes Philippe Aghion et Jean Pisani-Ferry, ainsi que les prix Nobel Serge Haroche et Jules Hoffmann. Gilles Finchelstein (Fondation Jean Jaurès), Thierry Pech (Terra Nova) et le mathématicien Cédric Villani, également député La République en marche).