Qu’est-ce qui peut bien agiter le petit village de Pleaux dans le Cantal ? Depuis décembre, le calme de ce bourg de 1 500 âmes est perturbé par des « Moteur ! », « Ça tourne ! », « Coupez ! ». Et pour cause : sollicitée par le curé de sa paroisse Notre-Dame d’Enchanet sur Maronne, le père Dominique Roze, Marie-Sophie Guéring, 17 ans, s’est lancée dans le projet audacieux de faire renaître un martyr de la Révolution, véritable héros local : l’abbé Filiol. « Depuis que je me rends à l’église, j’entends très souvent parler de lui. On l’a toujours présenté comme une sorte de saint », témoigne la cinéaste en herbe. « Ce qui suscite de l’admiration chez l’abbé Filiol c’est sa vocation pour le martyre, prêt à donner sa vie pour accomplir son ministère jusqu’au bout. » Ordonné prêtre en 1789, le religieux refuse de prêter serment à la toute jeune République. Menacé par la vindicte révolutionnaire, il fuit dans un premier temps en Espagne, mais décide en chemin de faire demi-tour et de retrouver sa paroisse quoi qu’il lui en coûte.
Intriguée par ce vaillant religieux, la jeune fille en mesure toute sa dimension après avoir lu un livre consacrée à Catherine Jarrige, une tertiaire dominicaine plus connue sous le nom de « Catinon Menette » (1754-1836), béatifiée en 1996 par Jean Paul II. Alors que l’abbé Filiol vit dans la clandestinité la plus totale, elle vient à son secours, au péril de sa vie. Sur une indication ou un imprudent bavardage, les gendarmes finissent par se saisir du prêtre. « Lors de son arrestation, les paysans tentent tout pour le libérer en s’attaquant même aux gendarmes. Mais le brave abbé les en empêche en leur adressant ces nobles paroles : “Dieu est irrité contre notre chère France et il faut du sang de martyr pour apaiser sa juste colère” », raconte Marie-Sophie. Refusant obstinément de prêter serment, François Filiol est alors guillotiné, il n’a que 29 ans. La « juste colère » semble en effet apaisée, l’abbé est le dernier religieux de la région à être assassiné par la répression révolutionnaire. Catherine Jarrige, qui l’accompagne jusqu’au pied de l’échafaud, est arrêtée à son tour mais contre toute attente le tribunal décide de la relâcher. « Que la Terre me parait vile et méprisable quand je regarde vers le Ciel », lance dans ses derniers instants l’abbé dont le sacrifice n’aura pas été vain.
Prêtre et paroissiens de Notre-Dame d’Enchanet sur Maronne, jeunes et moins jeunes, tous ont répondu à l’appel. « Les gens de la région sont très attachés à leur Histoire et particulièrement à cet abbé », confie Marie-Sophie qui a mobilisé autour d’elle une soixantaine de personnes de sa paroisse et au-delà. « Nombreux s’étaient déjà investis pour un premier film sur l’histoire d’un célèbre lieu de pèlerinage de la région éponyme de la paroisse. L’idée d’en faire un autre sur l’abbé Filiol les a tous enthousiasmés », raconte la jeune réalisatrice.
Marie-Sophie s’est alors attelée entièrement à l’écriture du scénario sous le regard bienveillant du père Dominique Roze et d’un historien spécialiste du pays « pour vérifier s’il n’y avait pas d’anachronismes », précise l’adolescente. Celle-ci espère terminer le tournage cet été, le diffuser « au maximum » dans la région et pourquoi pas participer au festival international du film catholique, Mirabile Dictu, organisé au Vatican. « Mais chaque chose en son temps ! », pondère-t-elle.
Aucune bande annonce n’étant disponible, nous publions donc une vidéo réalisée en 2014 pour le crowdfunding du Martyr de Bouval.(NDLR)