Quand tu bosses dans les médias, les mauvaises nouvelles ont ceci de particulier : elles font « bip ». Ces fameuses « breaking news », qui te font tourner la tête vers l’écran qui les débite… Ce soir, la « breaking news » n’a pas fait « bip », mais elle est partie dans des arpèges de notes plus bleues les unes que les autres, au son d’un violon qui pleurait… Didier Lockwood n’est plus. Au sortir d’un concert ce soir, il a succombé à une crise cardiaque, de celles qu’on qualifie de foudroyantes. Il avait 62 ans.
Lockwood était né à Calais dans une famille d’artistes. Papa prof de violon, maman peintre, grand frère pianiste de jazz, cousin de papa contrebassiste : le genre de capital génétique qui ne te promet pas une carrière de guichetier à la Sécu.
Le jeune Didier est un rebelle. Excellent violoniste, il découvre tôt le violon amplifié, et lorsqu’il est supposé tenter son entrée au CNSM, il choisit de rejoindre… le groupe Magma ! Et ce n’est qu’un début ! La liste des collaborations de Lockwood fait figure de bottin mondain du jazz. Lisez plutôt : Martial Solal, Michel Petrucciani, Aldo Romano, André Ceccarelli, Miles Davis, Marcus Miller, Herbie Hancock, les frères Marsalis, etc. Et la chanson ne le laisse pas de marbre non plus, qui le voit collaborer avec Barbara, Nougaro, Richard Bohringer ou Jacques Higelin.
Lockwood a le jazz dans l’âme, et met son âme dans le jazz.
Didier Lockwood, c’était une nonchalance française, une inventivité permanente, des rencontres musicales inattendues, une virtuosité inégalée… et un amour immodéré pour l’improvisation. Il y a quelques années, dans une master class consacrée à ce thème, Didier Lockwood expliquait avec humour : « L’homme pense tout maîtriser, prépare tout, écrit tout… mais lorsqu’il se retrouve devant le moment présent, il est bien obligé d’improviser… »
Il venait de sortir un nouvel album, Open Doors, qu’on écoutera avec la douce tristesse de l’abandon.
Robin de La Roche – Boulevard Voltaire