Portrait / Erckmann et Chatrian

Emile Erckmann (1822-1899) et Alexandre Chatrian (1826-1890)

Erckmann-Chatrian : un seul nom sous lequel se cachent deux écrivains français : Émile Erckmann (Phalsbourg 1822-Lunéville 1899) et Alexandre Chatrian (Abreschviller, 1826-Villemomble 1890), qui ont fait revivre une période qui s’étend de 1775 à 1875. Ils ont écrit ensemble un grand nombre de contes réalistes et fantastiques, de romans nationaux, d’ouvrages politiques et d’ouvres dramatiques (L’Ami Fritz, Histoire d’un conscrit de 1813, Les Rantzau),qui forment une sorte d’épopée populaire de l’ancienne Alsace. Souvent considérés, à tort, comme alsaciens, Erckmann, le Lorrain, tient la plume, tandis que le Vosgien Chatrian place les ouvres dans la presse et chez les éditeurs et adapte certains écrits à la scène. Le succès durable d’une association et d’une amitié de quarante ans sera cependant définitivement interrompu à la suite d’une brouille en 1887. Romanciers réalistes et populaires, Erckmann-Chatrian ont généralement été étiquetés « écrivains pour la jeunesse ». Leur ouvre abondante mérite pourtant d’être lue et (re)découverte à tout âge.

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« Un phénomène, c’est-à-dire un nouveau genre de beauté en littérature, inventé comme par accident, sorti du néant, ne répondant à rien de ce qui a été conçu jusqu’ici, n’ayant été ni prédit, ni annoncé, ni vanté d’avance, mais né de soi-même, comme un instinct irréfléchi, et s’emparant de l’attention comme par une force de la nature, vient de se produire inopinément parmi nous. [.] Or quel est l’auteur ou quels sont les auteurs de ce phénomène ? car ils sont deux, c’est-à-dire qu’ils sont anonymes. [.] Ces deux hommes jeunes, dit-on, encore, se nomment l’un Erckmann, l’autre Chatrian. Il nous dira juste auquel de ces deux hommes nous devons l’étonnement, la direction, la gloire. En attendant, nous tiendrons la couronne suspendue sur deux trônes, quitte à couronner l’ombre pour la réalité, ou l’écho pour la voix. Qu’ils s’arrangent; les grandes oeuvres de l’humanité sont anonymes, un roman peut bien l’être. [.]

Voulez-vous, après tant d’adulation, verser une goutte de vérité populaire dans la mémoire de vos enfants ? Ne la cherchez dans aucune de vos histoires, mais dans le roman vrai d’Erckmann et Chatrian ! »

Alphonse de LAMARTINE,
Entretien 135 : Histoire d’un conscrit de 1813,
Cours familier de littérature, 1856

« Le monde d’Erckmann-Chatrian est un monde simple et naïf, réel jusqu’à la minutie, faux jusqu’à l’optimisme. Ce qui le caractérise, c’est tout à la fois une grande vérité dans les détails purement physiques et matériels, et un mensonge éternel dans les peintures de l’âme, systématiquement adoucies. »

Emile ZOLA,
Mes Haines, 1866.

« Ce peintre d’école hollandaise levant des paysages allemands vus par la fenêtre d’un cabaret, ce peintre de genre encore trop heurté de couleur et qui attend comme un bénéfice le velours brun du temps, de l’expérience et de l’art, sur son rouge trop dur, a tout d’un coup élargi sa toile, et, dans un horizon plus vaste que celui dans lequel il se contient d’ordinaire, il est monté jusqu’à l’idéal. »

Jules BARBEY D’AUREVILLY,
à propos d’Hugues-le-loup,
Les Romanciers d’hier et d’avant-hier, 1904.

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  •  G. BENOIST-GUYOD, La Vie et l’ouvre d’Erckmann-Chatrian, Témoignages et documentsContes et romans nationaux et populaires, t. XIV, J.J. Pauvert.
  • L. SCHOUMACKER, Erckmann-Chatrian : étude biographique et critique d’après des documents inédits, Belles Lettres, publications de la faculté des lettres de l’université de Strasbourg n°62, 1933, 409 p.
  • Jean-Pierre RIOUX, Erckmann-Chatrian ou le trait d’union, Paris, Gallimard, coll. L’Un et l’autre, 1989.

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