Les milliers de jeunes européens partis rejoindre les rangs de Daech ne se sont pas convertis à l’islamisme radical dans les mosquées mais sur Internet. Il y a dix ans, des spécialistes de la sécurité avaient déjà identifié 70 sites djihadistes. Qu’a-t-on fait depuis pour endiguer ce flot de propagande ? Les deux tueries de Copenhague, cinq semaines après celles de Paris, suscitent les mêmes réactions d’horreur, les mêmes indignations médiatiques et souvent les mêmes vaines tentatives d’explications sociologiques. Ainsi, l’assassin danois serait originaire d’une banlieue défavorisée qui aurait connu des émeutes il y a quelques années. Il sortait de prison et on ne va pas manquer d’accuser le milieu carcéral de l’avoir dévoyé. Et dérouler un chapelet d’incantations sur la ghettoïsation des banlieues, sur l’incapacité de l’école à défendre la laïcité, sur la passivité de la communauté musulmane.
Et refuser de regarder la réalité en face et de “remettre les mots à leur place parce qu’ils ont un sens”, selon l’expression de Patrick Pelloux de Charlie Hebdo. Ces gens qui déchargent leurs kalachnikovs sur les intellectuels, des Juifs, des enfants, qui achèvent un policier blessé, qui tirent dans le dos, sont des ” fascistes” et il est temps qu’ils soient combattus comme tels. Les milliers de djihadistes européens partis combattre aux côtés de Daesh, ceux qui rêvent de les imiter et commettent des attentats en Occident, ne se sont pas convertis à l’islamisme radical dans les mosquées du continent mais sont les disciples de quatre grands prêcheurs salafistes, qui ont pour noms, Google, You Tube, Facebook et Twitter. Quatre multinationales américaines qui, au nom de la liberté d’expression et aussi d’intérêts commerciaux inavoués, refusent obstinément de faire la police sur leurs réseaux et véhiculent les pires images de décapitation, les plus haineux messages de mort.
“Le djihadisme sur Internet a pris des proportions industrielles et menace ouvertement la France”. Ce constat, on le trouve dans des Cahiers de la sécurité, consacrés à la criminalité numérique, et publiés par l’Institut national des hautes études de sécurité (Inhes). Il a été effectué en 2006, voilà neuf ans. Et il était déjà accablant. À cette époque où Al Qaïda régnait en maître sur l’islamisme radical, des as du marketing conseillaient déjà les djihadistes qui n’hésitaient pas à faire appel à des agences de com pour mettre en scène les discours de leurs leaders. Les chats et forums de discussion n’avaient plus de secrets pour eux. Ils avaient déjà accès à des logiciels de cryptographie et étaient capables d’utiliser la stéganographie pour cacher leurs messages contre “les mécréants et les infidèles”. En 2006, on dénombrait déjà 70 sites clairement identifiés comme djihadistes, 200 en 2008 et combien aujourd’hui ?
Qu’a t-on fait depuis pour endiguer ce flot de propagande ? Rien, sinon semer encore plus de chaos dans le monde arabe, après les interventions catastrophiques américaines en Irak et en Afghanistan, en liquidant Kadhafi et en armant les rebelles syriens dont la plus grande partie sont passés, avec armes et bagages, du côté de Daesh.
Google, YouTube, Twitter ou Facebook ayant leurs sièges sur le territoire américain et les États-Unis étant considérés comme les maîtres du monde, il est donc légitime de demander à ce pays qui, rappelons-le, a créé Ben Laden et a noué les relations les plus étroites avec les dictatures salafistes que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar, quelles mesures ils entendent prendre pour, dans le cadre de la lutte anti-terroriste, arrêter la contamination djihadiste sur Internet. Ce sera l’objet d’une réunion cette semaine avec des ministres de l’Intérieur, dont le Français Bernard Cazeneuve, qui a fait ce dimanche une escale au Maroc pour renforcer la coopération anti-terroriste. Un pays qui est contraint d’accueillir et de contenir toute la misère de l’Afrique, provoquée par des interventions militaires occidentales comme au Mali ou en Côte d’Ivoire ou des soutiens français à des dictateurs africains qui affament leurs concitoyens.
À l’occasion de cette réunion des ministres de l’Intérieur, on espère une initiative forte de Barak Obama qui, jusqu’à présent, fait la sourde oreille aux demandes françaises de régulation d’Internet. Peu avare en conseils sur la meilleure façon d’intégrer les musulmans dans nos banlieues, ou sur la meilleure manière de traiter Poutine, le président américain se contente de grandes déclarations de solidarité avec les Français, en première ligne en Afrique dans la lutte contre la djihadisme. On attend aussi avec curiosité la réponse qu’il va adresser au président nigerian qui vient de l’appeler au secours pour réduire Boko Haram. On se souvient que Michelle, son épouse, avait fait, en mai 2014, une intervention médiatique très remarquée pour demander la libération des 200 écolières enlevées (et toujours détenues ou mariées) par la secte islamiste. Depuis plus rien, sinon l’envoi de conseillers militaires ou le renforcement de la surveillance par drônes. Ce qui fait dire à des internautes, un peu désabusés, que le bilan de Bush en Afrique est meilleur que celui d’Obama, car, lui, s’était au moins fortement investi dans la lutte anti-sida.